Salle d'attente des urgences du CHRU de Lille, en ce mercredi midi. Ils sont déjà une bonne dizaine à patienter: il y a une heure, ils n'étaient que six. La salle se remplit vite. Une toux, une fièvre, l'infirmière tend avec gentillesse un masque en papier : «C'est plus prudent», conseille-t-elle. Le centre hospitalier, le plus important de la région, a déclenché mercredi le plan Hôpital sous tension. Il est particulièrement vigilant sur l'accueil des sujets fragiles à la grippe, en priorité les personnes âgées. «En ce moment, les patients de notre unité d'hospitalisation de courte durée ont une moyenne d'âge de 83 ans et des problèmes pulmonaires», souligne le professeur Eric Wiel, chef du service des urgences.
Dix lits supplémentaires ont été ouverts pour faire face à l'afflux. Ils servent de sas, en attendant qu'une place se libère dans les services habituels. Sinon, il y a risque que les malades stagnent aux urgences et que «le service s'embolise», comme le dit Eric Wiel. Mercredi midi, d'ailleurs, plusieurs patients attendaient ainsi depuis plus de vingt heures. Benoît, 58 ans, arrivé vers 19 h mardi soir, prenait la chose avec philosophie : «La nuit, c'est la nuit, j'ai dormi !» Il a apprécié l'accueil et la qualité des soins : «J'avais l'angoisse de la saturation, mais le personnel ne le fait pas du tout sentir, même celles qui font le ménage ont le sourire. Et les infirmières sont belles et toujours présentes !»
Plan blanc
Ce mercredi renoue avec un semblant de normalité. C’était lundi la cohue aux urgences, avec 270 admissions au lieu de 200 en temps normal, 2 h 50 d’attente avant de voir un médecin au lieu d’une heure, et le standard téléphonique du Samu qui explose, avec 2 800 appels gérés par les médecins régulateurs en une journée. Et les malades arrivent de toute la région : les médecins généralistes sont débordés et renvoient sur l’hôpital du secteur. Les hôpitaux n’arrivent plus à faire face : à Armentières, à Lens, et bientôt à Valenciennes, ils sont en Orsan (Organisation de la réponse du système de santé en situation exceptionnelle), en plan blanc, et renvoient les nouveaux entrants sur le centre hospitalier régional, à Lille. Chaque hiver, le scénario se reproduit, mais cette année, il arrive un mois plus tôt que d’habitude.
Beaucoup de syndrômes grippaux mais pas encore la vraie grippe épidémique : les 15% de patients soupçonnés d’être atteints lundi étaient touchés en fait par un autre type de virus, après les tests biologiques. Si l’épidémie se développe dans le Nord, l’hôpital, déjà saturé, devra relever son niveau d’alerte. Ce qui veut dire rappel de personnel en congés et déprogrammation d’opérations prévues.
Pour l'instant, le renfort humain n'est pas encore là. «En ce moment, on travaille deux fois plus vite», pose une infirmière. Les journées ne sont pas plus longues, mais plus intenses. Du côté des médecins, le binôme interne–praticien confirmé est cassé : les cas les moins risqués sont délégués aux étudiants les plus chevronnés. «Mais chaque décision thérapeutique, une sortie ou une prescription, ne peut être validée que si elle a été vue par un médecin expérimenté», rassure Jean-Baptiste Marc, médecin urgentiste. Ils sont six à travailler aux urgences dans les heures pleines. Le métier est chronophage, et beaucoup de temps se passe au téléphone, à gérer les transferts dans les différents services. En avril et mai derniers, le CHRU avait mis en place un médecin régulateur de flux, pour un test. Mais le poste n'a finalement pas été confirmé. Il est regretté, aujourd'hui.