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Libération
Reportage

A Marseille, le show d'un maire de secteur FN pour ses vœux

Stéphane Ravier, édile des XIIIe et XIVe arrondissements, s'est offert la plus grande salle de la ville pour souhaiter aux frais de la princesse une bonne année à ses soutiens.
Stéphane Ravier, à Marseille mercredi. (Photos Patrick Gherdoussi pour Libération)
par Stéphanie Harounyan, correspondante à Marseille
publié le 12 janvier 2017 à 15h42

La semaine prochaine, le spectacle «Disney sur glace» investira le Dôme, la plus grande salle de concert de Marseille. Mais mercredi soir, c'était Stéphane Ravier, le maire FN des XIIIe et XIVe arrondissements, qui invitait sa population à venir l'applaudir à l'occasion de ses vœux annuels. Un petit plaisir coûteux que le sénateur-maire s'était déjà offert en 2016, sans que l'opposition n'ait jamais réussi à obtenir la facture. Cette année encore, le buffet et la jauge ont été prévus pour 2 500 personnes. Et à vue d'œil, ils sont bien un millier de convaincus, plutôt âgés, à s'installer dans les gradins. «Est-ce que vous allez bien ?» hurle une voix off survitaminée. Le public crie et tape des mains, plus encore quand les élus de la majorité frontiste sont appelés sur scène au son de Radio Ga Ga. Gagas, ils le seront tous quand Stéphane Ravier fend la foule pour rejoindre ses troupes. «On ne vous entend pas, le Dôme, frappez dans vos mains !» tente la voix off. Conseil inutile, les applaudissements sont nourris et le maire apprécie.

Tout le monde – sauf le maire et une animatrice installés sur scène –rejoint sa place pour visionner le film de présentation offert en ouverture. Dans la vidéo 2016, Stéphane Ravier y était omniprésent, osant même, en image finale, son visage remplaçant celui de Zidane sur le célèbre panneau de la Corniche à la gloire du footballeur. La version 2017 affiche l'option inverse : on cherche en vain le maire dans les nombreux zooms sur les élus de la majorité frontiste. Le maire aurait-il fait vœu d'humilité pour la nouvelle année ? On le devine tout de même dictant le texte récité par un enfant qui commente les images : «La ville est divisée. Il y a le Sud, il y a le Nord. Il y a ceux qui ont le métro, de belles écoles, beaucoup de policiers et des touristes. Et puis il y a ceux qui n'ont rien de tout ça. Les quartiers nord, c'est là que j'habite.»

«Ooooh !»

Cette «fracture marseillaise» entre le nord et le sud, le maire y reviendra beaucoup lors de l'interview organisée à l'issue de la projection. Durant presque deux heures, servi par une passeuse de plats briefée au mot près, le sénateur-maire écume tous ses thèmes de prédilection, brassant des sujets majeurs, comme la drogue qui gangrène les cités, des piques sur l'inaction de ses adversaires politiques ou des petites phrases destinées à faire rire la salle. Et elle rit, la salle, lorsque le maire compare les femmes en burkini à des «otaries». Elle applaudit, quand l'élu rappelle qu'il a installé coûte que coûte une crèche dans sa mairie. Et elle multiplie les «ooooh !» de déception quand, au bout d'une heure, Stéphane Ravier met fin au suspens : non, il ne sera pas candidat aux législatives dans son secteur, jusqu'alors tenu par l'ex-socialiste Sylvie Andrieux. «J'ai beaucoup de travail, je suis déjà sénateur et maire de secteur», explique-t-il sans trop s'étendre. Peut-être pour mieux laisser la place à sa nièce et première adjointe, Sandrine D'Angio, abondamment citée tout au long de la soirée…

«Un kif perso»

Il sera encore question de famille en conclusion de «l'interview» : après un long laïus sur la nécessité de s'aimer avant que la mort ne nous emporte, Stéphane Ravier décide de faire monter ses deux frères sur scène pour «un kif perso» : a cappella, les yeux dans leurs yeux, c'est l'intégralité du Je te promets de Johnny Halliday que le quadra entonne, provoquant à la dernière note une standing ovation… Mais ce n'est pas encore terminé : comme l'an dernier, le maire a tenu à remettre ses Phocéens d'or, récompensant les «acteurs actifs de la vie des 13/14[e arrondissements]». Parmi les lauréats, le musée du terroir marseillais, une santonnière, le gérant d'un moulin à huile d'olive, une association de pétanque et miss Bouches-du-Rhône… La plupart œuvre dans les noyaux villageois du secteur. Rien, en revanche, pour ceux qui s'activent au quotidien dans les nombreuses cités des deux arrondissements gérés par Stéphane Ravier. Un autre genre de «fracture marseillaise» qu'il faudra penser à évoquer, pour les vœux de 2018.