Inénarrable gauche française… La voilà lancée dans un débat acerbe sur le «revenu de base», agitant symboles et arguments à l’emporte-pièce, sans tenir compte des discussions qui ont eu lieu depuis au moins trente ans dans plusieurs pays. Le «revenu de base» a d’abord un fondement philosophique et moral : dans les sociétés riches, il est insupportable qu’une partie des citoyens, quelle qu’en soit la raison, vive avec un revenu de misère. L’utopie concrète est bien celle-là : comme membre de la communauté humaine, comme usufruitier de la planète, tout citoyen a le droit de vivre avec des moyens décents. Limités, modestes, mais décents. Telle est la perspective ouverte par le revenu de base, seulement esquissée avec des institutions comme le RSA ou le smic. Certains lui opposent le grand péché idéologique : certains libéraux parlent eux aussi du revenu de base. Vade retro ! On oublie de préciser que le projet libéral, proposé à l’origine par Milton Friedman, table sur une privatisation générale du social, et n’a donc pour l’essentiel rien à voir avec les propositions discutées à gauche. D’autres parlent de résignation au chômage, ou bien des surfeurs de Biarritz qu’on subventionnerait à ne rien faire ; d’autres encore de ces femmes qu’on voudrait renvoyer à la maison. Or les expérimentations conduites jusqu’à présent réfutent la plupart de ces arguments. Ces expériences sont lointaines ? Ou alors elles sont en cours, par exemple aux Pays-Bas ? Alors il est un moyen tout simple d’en avoir le cœur net : conduire une expérience ici et maintenant, en France, dans une ville moyenne, en grandeur nature puisque, de toute manière, le coût d’une mise en place nationale est pour l’instant hors d’atteinte. En attendant les résultats de cet essai, on pourrait étendre et réévaluer les minima sociaux. Ensuite, on pourrait discuter… Mais ce serait faire preuve de pragmatisme. Horreur !
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