Pendant la présidentielle, Libération va sonder, chaque jour de la semaine, six lieux différents de la «France invisible». Ce mercredi, des jeunes du lycée pro de la fondation Apprentis d'Auteuil, à Meudon (Hauts-de-Seine).
Cette fois, l’assemblée est masculine. Que des gars, 18 ans de moyenne d’âge. Les trois filles présentes la semaine dernière ne sont pas là. Ils ont plein d’idées, de questions et d’enthousiasme aussi. Sujet du jour : l’Education nationale.
Jahmyn attaque : «L'un des problèmes, je trouve, c'est le choix d'orientation. Tu dois le faire super vite. Décider d'un métier en troisième, c'est trop tôt. Moi, ça a été au pif.» Des «pareil», «moi aussi» fusent. Thomas, lui, est «là parce qu'on m'a dit que la filière avait de l'avenir, mais ça ne me plaît pas». Tous préparent un bac professionnel Eleec (électrotechnique), «parce qu'on pouvait pas aller en filière générale». Jahmyn sous-titre : «Personne ne veut faire un bac pro, vous savez bien.» Slade, sourire piquant : «Rien n'a changé.» Gomis s'énerve (un peu) : «Je comprends pas pourquoi on parle aussi mal du bac pro. En vrai, qu'est ce qu'on ferait de plus avec un bac général ? Rien.»
Un autre sujet surgit du fond de la classe. «Il faut allonger l'obligation scolaire, jusqu'à 18 ans [contre 16 ans, ndlr], balance Vincent. Aujourd'hui, et je le sais d'autant plus parce que je l'ai vécu, si tu redoubles ou que tu te réorientes, aucun établissement ne veut te prendre après 16 ans. Tu galères pour trouver. Si c'était obligatoire, les lycées n'auraient pas le choix.» Gomis opine, il a eu le même problème après son CAP. «En plus, cela obligerait ceux qui arrêtent avant et ne font rien à se remotiver», ajoute Vincent, convaincu et convaincant.
Cette idée d'allonger la scolarité obligatoire a été lancée en septembre par la ministre Najat Vallaud-Belkacem, désireuse d'ouvrir ce débat et de voir cette proposition inscrite dans le programme de la gauche. Raté : vérification faite, elle n'apparaît dans aucun programme des sept candidats à la primaire… Samuel lève la main : «Ce serait bien aussi que les lycées aient moins peur de leur image. Ils arrêteraient de virer les élèves qui n'ont pas de bonnes notes en seconde et première pour ne garder que les meilleurs au bac. Juste pour leur réputation.» L'heure a filé, ils doivent repartir en cours. En attrapant son sac, Amin interpelle : «Madame, si vous croisez les candidats, vous pourriez leur dire que ce serait bien si, enfin, ils parlaient des vrais sujets, comme l'éducation ? Dites-leur.»