Pendant la campagne présidentielle, Libération sonde, chaque jour de la semaine, six lieux différents de la «France invisible». Le jeudi, c'est un club amateur de handball près de Marseille.
Forcément, entre le duel France-Norvège, en phase de poule de la Coupe du monde de hand, et le débat de la primaire, qui étaient diffusés à la même heure dimanche, il n’y a pas eu débat. Dans le vestiaire, personne n’a suivi le match politique.
Romain, 35 ans, a tout de même recueilli quelques bribes les jours suivants, à la radio. «C'est qui, ce Jean-Luc Bennahmias ? Il a fait tous les partis, apparemment», lance-t-il dans un demi-sourire. «Il est d'ici, relève Nicolas. Une fois, j'ai bu des coups à côté de lui. Ah c'est clair, il est proche des gens ! Il n'a vraiment pas la dégaine du politique…»
L'autre chose que Romain a retenu de sa session radio, c'est le revenu universel. «C'est fantastique ! ironise-t-il. Dire à des gens qu'ils vont gagner la même chose sans travailler…» Jean-Claude, l'aîné du groupe, intervient : «Essaie de vivre avec 700 euros par mois !» Pendant que la bande discute faisabilité de la mesure, Nico M. - il y a deux Nicolas dans l'équipe - pense surtout que les Français ne sont pas équipés pour ce type de projet : «On prend des idées chez les Scandinaves, mais culturellement, on est très différents. J'y vais souvent, dans ces pays, ils appliquent les lois à la lettre. Nous, les lois, on ne les applique pas, on les interprète… On va chercher à les détourner.»
Kader, prof de sport, arrive à la bourre. Les autres, déjà en jogging, l'attendent en matant la vidéo de «la gifle» reçue par Manuel Valls mardi. «Je peux comprendre que des gens leur en veulent, pas à lui spécialement mais à tous ces politiques, lâche Jean-Claude, l'abstentionniste convaincu. Ils sont tellement arrogants quand ils sont au pouvoir !» Pour le jeune Clément, «il a surtout ramassé à cause de son 49.3». Kader, en caleçon, dégoupille : «Ça me rend dingue, s'énerve ce prof de sport. On n'arrête pas de rabâcher à nos jeunes qu'il faut respecter l'autorité et on justifie qu'un mec aille gifler un ancien Premier ministre !» Lui ira peut-être voter ce dimanche.
Petit exercice de pronostics pour le groupe avant de commencer l'entraînement : à l'unanimité, Manuel Valls sera au second tour. Pour la majorité, il sera opposé à Arnaud Montebourg. «Mais la grosse cote, c'est Hamon-Montebourg», note Romain. Nicolas se marre : «Non, la grosse cote, c'est Hamon-Bennhamias !»