Certaines obstinations sont intrigantes. Celle de Valérie Pécresse, présidente de la région Ile-de-France, braquée contre l’interdiction à la circulation des voies express rive droite à Paris, décidée par Anne Hidalgo, fait partie de ces étrangetés. On peine à comprendre pourquoi l’exécutif régional serait concerné par les aménagements de voirie de l’une des 1 281 communes de la région, fût-elle la plus peuplée. Sauf à considérer qu’un «effet papillon» inattendu puisse provoquer, à partir de 3,3 kilomètres de chaussée dans Paris centre, un embouteillage atteignant le fin fond de la Seine-et-Marne.
«Je veux aider les autorités publiques à prendre les bonnes décisions», a expliqué l'élue régionale ce matin en présentant le troisième rapport d'étape du «comité régional de suivi et d'évaluation de la piétonisation des voies sur berge rive droite à Paris». Présidé par le professeur Pierre Carli, médecin-chef du Samu de Paris, mais surtout alimenté par les travaux de l'IAU, l'agence d'urbanisme de la région, ce comité est supposé contre-expertiser les affirmations d'Anne Hidalgo et de son adjoint aux transports, Christophe Najdovski sur les effets de cette fermeture en termes de circulation et de pollution.
Si l'on s'en tient au titre du communiqué de la région, les conclusions du comité sont nettes : «La qualité de l'air ne s'améliore pas, la pollution s'aggrave.» Dans l'introduction du rapport, Pierre Carli est un peu moins affirmatif : «Concernant la qualité de l'air, l'analyse des données publiées par Airparif est complexe, d'autant plus que la place des phénomènes météorologiques est importante dans les pics de pollution observés en particulier en décembre.» Le professeur note qu'«on peut légitimement s'interroger sur la participation de la congestion du trafic dans cette dégradation» mais il reconnaît qu'une «relation directe de cause à effet n'est pas possible à établir».
Au demeurant, le site d'Airparif se garde bien d'afficher des conclusions définitives et ne trouve, dans les données de ses 80 points de mesure, «aucune tendance claire imputable à la seule fermeture des voies sur berges». La piétonisation est prévue pour être expérimentée sur six mois et pour le moment, il est trop tôt.
Complication supplémentaire : la ville (et la préfecture de police) mesurent le trafic en temps réel grâce à des boucles électromagnétiques de chaussée qui servent ordinairement à réguler les feux. Les données ainsi récoltées ne sont rendues publiques qu'un mois après leur collecte. D'où un comité d'experts qui s'appuie sur les chiffres de novembre quand la ville brandit ceux de décembre. «La réduction du trafic sur les axes de report, constatée depuis octobre, se confirme en décembre 2016», affirme ainsi le communiqué de la ville.
Du côté de l'allongement des durées de trajets, la querelle de chiffres est encore plus mal fondée. «Ce projet n'a, à ma connaissance, fait l'objet d'aucune étude d'impact», a affirmé Valérie Pécresse en prenant un risque car cette étude a été menée par Systra, filiale de la RTP et de la SNCF, ce qui a été publié partout.
La présidente a également expliqué, autre audace périlleuse, que «si l'on s'aperçoit qu'il n'y pas d'évaporation de la circulation mais une augmentation de la pollution et du bruit», alors, elle veut «arriver devant les pouvoirs publics avec des propositions alternatives. Nous présenterons des propositions pour fluidifier la circulation dans la ville, améliorer les carrefours, les livraisons…» Toutes compétences uniquement municipales. D'ailleurs, à un journaliste qui lui demande qui est décisionnaire sur cette affaire de piétonisation, elle répond : «Aucunement la région.»
Ce que Christophe Najdovski, confirme à sa manière : «La région n'a aucune compétence en la matière.» Pourquoi ce combat alors ? «Une volonté d'exister, et de faire exister un affrontement avec Anne Hidalgo», estime-t-il.