Pendant la présidentielle, Libération sonde, chaque jour de la semaine, six lieux de la «France invisible». Ce mercredi, des jeunes du lycée professionnel Saint-Philippe de la fondation Apprentis d'Auteuil, à Meudon (Hauts-de-Seine). Tous préparent un bac pro Eleec (électrotechnique).
On les a cueillis à la sortie du bac blanc d'histoire-géo et éducation civique, sur les coups de 13 h 30. Un peu groggy, en mode décompression. L'après-midi s'annonce encore longue, il leur reste une heure de cours d'histoire et deux de maths… On a attaqué dans le vif de la séquence politique du moment : «Alors cette primaire à gauche ?» Moues dubitatives en guise de réponse. La primaire ne les passionne pas du tout. Aucun des sept présents n'est allé voter dimanche. Vincent, bientôt 19 ans, y a pensé «à un moment» (plusieurs personnes de sa famille ont voté) «et puis, finalement, non, j'y suis pas allé.» Il avait pourtant regardé à la télé l'un des débats entre les candidats, «jusqu'au moment où ils ont parlé de l'égalité hommes-femmes. Là, j'ai décroché, ils étaient pas clairs.» Son préféré, c'était Vincent Peillon (évincé avec 7 % des voix), «il me paraissait le plus sincère». Jahmyn, lui, s'interroge sur cette participation d'un euro : «Pourquoi faut payer pour voter ?» Cela dit, même si c'était gratuit, il n'y serait pas allé. Thomas préfère attendre que les candidats mettent leur programme au clair, «parce que là, ils changent encore souvent d'avis». Déboule Slade, à la bourre et toujours aussi sympathique, mais pas emballé par la discussion. «A la base, j'aime pas voter. Pour moi, ça ne sert à rien. Tu votes pour une personne qui fait des promesses et tu es toujours déçu.» Thomas abonde : «Hollande n'a pas arrêté de dire "le changement, c'est maintenant". On l'attend toujours !» Quel changement auraient-ils aimé voir ? Widney, 20 ans, sort de son silence : «L'emploi.» Il parle de la difficulté de trouver du boulot, «surtout quand tu es jeune». Il dit chercher du travail depuis cinq ans et «être là, dans cette formation, parce que j'ai rien trouvé». On les lance sur le revenu universel, proposition phare de Benoît Hamon. Haussement d'épaules et ricanements dans la salle. Aucun ne trouve que c'est une bonne idée, «c'est pas comme ça qu'on va inciter les gens à travailler !» De l'avis général, «il faut créer du boulot, y en a pas assez». Du dernier rang, Gomis lance, piquant : «Et l'argent pour financer ce revenu universel, ils vont le trouver où ? Dans les radars sur la route ?»