La nuit a été courte et pas franchement agréable. «Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise ? Ce n'est qu'une défaite de plus», souffle lundi un membre de l'équipe de campagne de Manuel Valls, baissant les bras avant l'heure. Face à Benoît Hamon, l'ex-Premier ministre a plus de 5 points et 75 000 voix de retard. Les vallsistes accusent le coup - «c'est un Brexit intérieur au PS», invente une secrétaire d'Etat dépitée - mais la qualification de Hamon en tête «faisait partie des scénarios que je craignais», leur a assuré dès dimanche soir le candidat. Depuis qu'il a remplacé Hollande au pied levé en décembre, Valls refusait la casaque de favori. Cette fois, il est vraiment challenger.
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A l'aise dans les duels, Valls le boxeur est décidé à frapper fort et vite. Depuis le début de la campagne, il a encore perdu du poids. S'affinant comme une lame, arborant en permanence son sourire d'airain. «Il prend tout ça très personnellement», confirme son directeur de campagne, Didier Guillaume. «C'est une boule d'énergie, confirme Philippe Doucet. Il va dramatiser. On joue tous nos dix prochaines années.»
Au lieu d'aller sur le terrain économique et social (pouvoir d'achat…), Valls fait du Valls, attaquant son adversaire sur sa laïcité et instruisant son procès en laxisme sur la sécurité. Malek Boutih, son mauvais génie, sort l'arme lourde contre Hamon. Les néoconvertis se désolidarisent : «Islamo-gauchiste» ne fait pas partie de leur vocabulaire. Ils préfèrent agiter le spectre d'un exode socialiste vers Macron si Hamon l'emporte.
Lundi, il faudra recoudre les plaies socialistes, autant éviter les anathèmes. Au QG de campagne, les SMS pleuvent donc : «On est sur le toboggan, faut arrêter les conneries.» L'ancien chef de la majorité baisse d'un ton à la télévision et résume l'enjeu entre «gauche crédible» et «gauche terrible». Mais certains craignent désormais un référendum anti-Valls dimanche. Dans l'équipe, les pronostics vont d'une «victoire surprise, à la Fillon» à «une tannée à 60-40». «Chaque point gagné au-dessus de 38 sera une victoire», estime même un historique.
Lancé, le candidat ne recule plus. Il veut mobiliser les militants de la gauche laïque et les légitimistes qui ne veulent pas d'un candidat à l'Elysée faisant campagne contre le bilan du gouvernement. «Il n'y a pas eu que la loi travail et la déchéance dans ce quinquennat. On ne peut pas tout perdre», insiste la ministre Laurence Rossignol. La campagne se termine dans le Val-de-Marne sur une note douce-amère. «J'ai du mal à vous quitter», glisse Valls le combattant aux militants. «A aucun moment, il ne nous a dit qu'il n'aurait pas dû y aller», jure un député. Sur une chaise blanche, un de ses proches a abandonné son dernier livre de chevet, signé Laurent Gaudé : Ecoutez nos défaites.