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Libération
Éditorial

Offre

publié le 27 janvier 2017 à 20h36

C'est ce qui fait la dimension romanesque de la politique. Ce qui fait que l'on en parle au bistrot, à la cafétéria ou au déjeuner familial du dimanche : elle est imprévisible. Reconnaissons-le humblement. La petite communauté des commentateurs n'aurait jamais pu imaginer, il y a à peine deux mois, que Benoît Hamon puisse se retrouver en position de favori de la primaire de la gauche. Lui-même n'aurait probablement pas parié ses économies sur un tel scénario. Contrairement à ce qu'ils aiment raconter, les hommes politiques ne maîtrisent pas grand-chose de leur destin. La politique, c'est d'abord accepter de se jeter dans le vide, sans savoir si un matelas vous attend en bas. En revendiquant un futur «désirable», plutôt que raisonnable, Benoît Hamon n'a fait aucun calcul ; adapté son message à aucun sondage. Il s'est lancé dans le vide. La gauche a toujours cultivé un curieux penchant masochiste. C'est ce qui fait qu'on l'aime et qu'elle peut nous agacer parfois. Elle a un irrésistible besoin de se fixer des objectifs dont elle sait, souvent inconsciemment, qu'ils sont inatteignables. Refuser de viser un horizon, c'est, pour elle, capituler. Mais le revendiquer, c'est aussi accepter d'échouer. Et donc d'être déçu. Le quinquennat Hollande a failli pour avoir oublié qu'être de gauche, c'est défendre un projet de transformation sociale. Déboussolé par le tournant de la politique de l'offre, son électorat a passé le quinquennat à espérer un supplément d'âme et une réaffirmation des valeurs, au moment où le camp réactionnaire engrangeait des points (électoraux) et des victoires (culturelles). Il a obtenu le mariage pour tous. Mais guère plus. Quelle que soit l'issue du vote de dimanche, Hamon a réussi une petite prouesse dans cette primaire si courte : susciter un vrai élan avec un projet de société de rupture. Comme si la gauche attendait ça depuis longtemps.