Pendant la présidentielle, Libération sonde, chaque jour de la semaine, un lieu de la «France invisible».
Choqués et en colère. Les résidents des Glycines, cet établissement pour personnes âgées du centre-ville de Montpellier, n'ont guère apprécié l'actualité phare de la semaine passée. Selon eux, le «Penelope Gate» n'est qu'une vile manœuvre, une funeste machination, une opération méchamment orchestrée contre François Fillon, qu'ils jugent «droit et honnête». «Je ne peux pas concevoir qu'un homme qui œuvre depuis des années pour assumer la fonction de président n'ait pas évité de faire des gaffes aussi lourdes et aussi chères», analyse Bernard. De plus, employer sa propre famille n'a rien de choquant, selon ces seniors.
«Cela se faisait dans le milieu», assure Maurice, pendant que Marie-Rose s'interroge sur les fondements mêmes du scandale : «Je ne crois pas que tout cela soit vrai. Et pourquoi ne fait-on pas d'enquête sur tous les députés ? Est-ce qu'on n'aurait pas monté cette affaire pour en étouffer d'autres ?» Mireille approuve : ce mauvais coup, pense-t-elle, pourrait venir de l'extrême droite… Mais c'est surtout le timing de ce scandale qui leur paraît, à tous, hautement suspect : «Cette affaire sort juste à point, note Marie. Jusqu'ici, personne n'avait rien trouvé à redire à propos de Fillon. Là, on a cherché à semer le doute sur sa probité et, à présent, ce doute va persister.» Même le Canard enchaîné, qui a révélé les faits, en prend plein le bec : «Il sort l'affaire juste maintenant, en pleine campagne ! Il est loin d'être neutre, ce journal !» s'indigne Bernard. «Il a dû choper la grippe aviaire, ça touche tous les canards», ironise Josette, pince-sans-rire.
Tous sont donc unanimes, à part Fernande, la seule ici qui revendique un vote à gauche : «Si on parle de tout ça, c'est qu'il y a bien eu quelque chose. Moi, je pense que Fillon va être mis en examen. Même ses adhérents se détournent de lui. De toute manière, il a des idées rétrogrades.» Pendant que Fernande égratigne Fillon, les autres évoquent l'affaire Markovic, un sombre dossier datant de 1968 dans lequel la femme de Pompidou avait été mise en cause. «A l'époque, raconte Josette, Pompidou avait dit que, s'il le fallait, il vengerait l'honneur de sa femme. Eh bien aujourd'hui, c'est pareil pour Fillon.» Marie-Rose, elle, se souvient que l'Etat a longtemps entretenu la maîtresse et la fille illégitime de Mitterrand sans que personne n'y trouve rien à redire : «Moi, j'ai confiance en Fillon. Et je voterai pour lui.»