En tout juste une semaine, la campagne électorale de François Fillon a totalement changé de tournure. Brillant vainqueur de la primaire de la droite et du centre devant Alain Juppé et Nicolas Sarkozy, l'ancien Premier ministre faisait il y a encore peu de temps figure de favori pour la victoire à la prochaine présidentielle. Il lutte aujourd'hui pour le maintien de sa candidature.
Les révélations du Canard enchaîné
Souvenez-vous, c'était le 28 août : dans la chaleur de l'été, François Fillon attaquait très violemment Nicolas Sarkozy depuis son fief de Sablé-sur-Sarthe. En référence aux différentes affaires où le nom de l'ancien président de la République apparaissait, l'élu LR jouait alors de son image immaculée pour lancer sèchement à la cantonade : «Qui imagine le général de Gaulle mis en examen ?» Une phrase qui, avec le recul, fait aujourd'hui sourire tant les soupçons s'accumulent sur le candidat à l'Elysée.
Au centre des critiques dont François Fillon fait désormais l'objet, son épouse, Penelope. Selon des informations du Canard enchaîné daté du 25 janvier, le député de la Sarthe aurait en effet employé sa conjointe pendant une dizaine d'années comme attachée parlementaire, poste où sa présence est sujette à caution, pour une rémunération totale dépassant les 830 000 euros. En outre, Penelope Fillon aurait également été salariée comme conseillère littéraire de mai 2012 à décembre 2013 à la Revue des deux mondes, propriété de Marc Ladreit de Lacharrière, un proche de François Fillon. Pour l'ensemble de la période et seulement deux notes de lecture, elle touche 100 000 euros, un niveau de rémunération plutôt rare dans la presse écrite.
Très vite, la résistance s'organise à droite : le patron de l'UDI, Jean-Christophe Lagarde, parle de «boules puantes», tandis que le sénateur LR Bruno Retailleau se dit confiant que «l'ensemble des éléments» transmis à la justice permettront de disculper le candidat républicain.
Puis, c'est au tour de François Fillon lui-même de contre-attaquer. Après avoir tenté une défense par le prisme de la misogynie («Elle n'aurait pas le droit de travailler ?») lors d'un déplacement à Bordeaux, il se retrouve dès le jeudi sur le plateau du 20 heures de TF1 pour répondre aux questions de Gilles Bouleau.
Le dimanche, enfin, c'est devant ses partisans réunis porte de la Villette, à Paris, que François Fillon tente de relancer sa campagne. La foule se lève pour acclamer Penelope. Et lui s'insurge : «A trois mois de l'élection présidentielle, comme par hasard, on construit un scandale. A travers Penelope, on cherche à me casser. Moi, je n'ai peur de rien : j'ai le cuir solide.»
Une enquête, faute de preuves
Lundi, cinq jours après les premières révélations du Canard enchaîné, le couple Fillon était entendu séparément par les enquêteurs. Dans un communiqué, ceux-ci faisaient alors part de leur satisfaction : «Tous deux ont pu apporter des éléments utiles à la manifestation de la vérité afin d'établir le travail réalisé par Madame Fillon.»
Mais en dépit des efforts des soldats du feu estampillés «LR» et de la bonne volonté apparente de François et Penelope, l'incendie se propage à vitesse grand V. Car au manque de preuves s'ajoutent de nouvelles révélations.
Les enfants, Marie et Charles, employés par leur père alors qu'ils n'étaient encore qu'étudiants, entrent dans la danse. Pour des contrats et non des «missions», comme indiqué initialement par l'ancien Premier ministre, la première touche 57 000 euros, le second 26 600.
En outre, les flous entourant Penelope sont revenus au premier plan. Selon une information du Parisien, l'épouse du député de la Sarthe n'aurait jamais eu de badge ni de boîte mail à son nom à l'Assemblée nationale. Pas de traces des contrats de travail non plus, Penelope Fillon ne se souvenant même pas les avoir signés. Enfin, c'est l'émission de France 2 Envoyé spécial qui annonce avoir mis la main sur une interview donnée en 2007 au Sunday Telegraph, dans laquelle cette dernière affirme n'avoir «jamais été l'assistante de (s)on mari». La candidature de François Fillon vacille.
Doit-il faire appel à un plan B ? Réponse ultramajoritaire dans son camp : «Non.»
Premières voix dissonantes
Au QG de campagne, où il réunit les ténors du parti pour une réunion de crise, la ligne de défense ne bouge pas et la famille Les Républicains paraît faire front commun – à l’image de son porte-parole Benoist Apparu – autour du candidat.
Pourtant, dans le sillage de Georges Fenech, de premières voix dissonantes commencent à se faire entendre. Le député LR du Rhône n'y va pas par quatre chemins : «Mon sentiment, c'est que les primaires aujourd'hui sont caduques. […] Je pense que l'intérêt supérieur, c'est celui de la France et nous ne pouvons pas continuer en dessous de la ligne de flottaison. Nous sommes en train de tous couler, comme l'orchestre du Titanic. Donc je pense que – indépendamment de l'affaire judiciaire qui suit son cours – François Fillon ne peut pas nous demander d'attendre l'issue de l'affaire judiciaire.» Un son de cloche qui trouve écho dès le lendemain auprès du sénateur de Côte-d'Or Alain Houpert : «On est sorti de la route.»
Entre de sérieuses menaces de scission et une campagne électorale au point mort, la tâche s’annonce désormais ardue pour François Fillon et LR. Il reste moins de trois mois avant le premier tour de l’élection présidentielle.