«La proportion de prêtres accusés d'abus sexuels depuis 1950 sape l'image et la crédibilité de la prêtrise. Ces chiffres sont tragiques et indéfendables. C'est un immense échec», a reconnu lundi le représentant de l'Eglise catholique australienne, au premier jour de la 50e audience publique de la Commission royale d'enquête sur la réaction des institutions australiennes face aux crimes pédophiles. Depuis quatre ans, les six membres de cette commission, dotée de 200 millions d'euros de budget, ont recueilli des milliers de témoignages sur les abus sexuels commis sur des enfants dans le cadre d'institutions laïques ou religieuses (clubs de sport, écoles, activités culturelles ou de santé, armée, etc.). Et ses résultats sont accablants. Alors que 60 % des témoignages font état de violences pédophiles au sein d'institutions religieuses, 37 % sont liées à un établissement géré par l'Eglise catholique.
Attouchements quotidiens, viols, punitions corporelles, tortures, tentatives de suicide, les rapports de la commission racontent les chemins de croix d’enfants parfois âgés de 5 ou 6 ans, la moyenne étant de 10 ans pour les filles et de 11 ans pour les garçons.
Rien qu'entre janvier 1980 et février 2015, 4 444 personnes, des garçons pour les trois quarts, ont signalé aux autorités catholiques avoir été victimes d'abus sexuels alors qu'ils étaient enfants. Ces crimes supposés se sont déroulés dans un millier d'établissements, et leurs auteurs désignés sont 597 frères, 572 prêtres, 543 laïques et 96 sœurs. Mais ils n'ont fait l'objet ni d'enquête interne ni de signalement à la police. «Entre 1950 et 2010, 7 % des prêtres étaient des auteurs présumés d'abus sexuels sur des enfants. Dans certains diocèses, la proportion atteignait 15 %», a assené l'avocate à la tête de la commission, Gail Furness. «Les enfants étaient ignorés, ou pire, punis. Les membres du clergé étaient transférés vers des paroisses et des communautés qui ignoraient tout de leur passé. Les documents étaient détruits.» La commission a prévu trois semaines d'audience pour l'Eglise catholique, autant que pour toutes les autres institutions. Au moyen d'un «Conseil de la vérité, de la justice et de la réparation», les autorités catholiques assurent coopérer totalement, et réclament la création d'un fonds d'indemnisation des victimes. Une transparence qui n'a pas toujours été la norme. En 2007, une nonne a quitté l'Eglise après avoir alerté sa hiérarchie, en vain, sur les centaines de récits terrifiants qu'elle avait recueillis en tant que psychologue. Et en 2014, le Vatican a refusé de communiquer l'intégralité de ses dossiers sur les prêtres incriminés.
Les travaux de la commission font des vagues jusqu’à Rome. En février, le cardinal George Pell, un ultraconservateur, à qui le pape François a confié la mission de remettre en ordre les finances du Saint-Siège, a été auditionné. Il est accusé d’avoir couvert les exactions de cinq prêtres pédophiles alors qu’il était vicaire dans le diocèse de Ballarat, théâtre de centaines de crimes pédophiles entre 1971 et 1997.