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Libération

Marche à Aulnay : «Comment vivre avec ça ?»

publié le 6 février 2017 à 20h36

Il fallait bien que le cortège marque un arrêt sur l'esplanade du «Cap». C'est là, quelques jours plus tôt, au cœur du quartier de la Rose-des-Vents à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), que Théo, 22 ans, a été gravement blessé par la police. Lors de son interpellation, un agent lui a enfoncé sa matraque dans l'anus avant de le menotter et de le placer en garde à vue. Opéré en urgence, il souffre d'une «plaie de 10 cm du canal anal et d'une section du muscle sphinctérien.» Des sévices estimés pour l'heure à soixante jours d'interruption du temps de travail. Pour ces faits, un policier a été mis en examen pour viol et trois autres pour violences volontaires. Lundi, 300 habitants ont participé à une marche «spontanée» contre cette brutalité policière et pour soutenir Théo. «Ici, on a des médecins, on a des ingénieurs. Comment nos enfants vont continuer à vivre avec ça. On étouffe ici», lâche une mère de famille. Une autre : «On ne repartira pas. Nos enfants, sont nés ici. Ils sont français. Ils ont des droits.» Les habitants empruntent la rue qui coupe en deux ce quartier que l'on appelle la «cité des 3 000». «Théo sera peut-être incontinent à vie, c'est pas normal», dénonce Raïssa, 23 ans. Etudiante en communication, elle décrit des provocations fréquentes : «Quand ils interviennent ici, les policiers savent que personne ne sera de notre côté, qu'on va tout de suite nous stigmatiser comme "des jeunes de banlieue".» Raïssa assure que, malgré sa mauvaise réputation, c'est un quartier «paisible» .

La marche est surtout portée par un groupe de mères du quartier. Après un aller-retour, la marche se fige devant une rangée de CRS positionnés devant un poste de police. Au bout d'une dizaine de minutes de face à face, Nordine, «là en tant qu'ancien», prend la parole : «Le plus important, c'est le message des mamans. Maintenant il faut se disperser.» Petit à petit, chacun trace sa route. Le commissariat s'est engagé à recevoir une délégation d'habitants dès ce mardi. Mais Nordine est désespéré : «On n'a pas la force de leur assurer que les policiers seront punis et qu'il y aura une justice. Que ça ira.»