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Libération
Edito

Rhétorique

publié le 6 février 2017 à 20h16

Plutôt habile sur la forme, le plaidoyer de François Fillon souffre d'un défaut majeur : il n'apporte pas de fait nouveau. Le candidat affirme toujours que son épouse travaillait auprès de lui. Son épouse a bien dit exactement le contraire. «Je n'ai jamais été l'assistante de mon mari, ni quoi que ce soit d'autre.» Cette contradiction éclatante demeure, quel que soit le brouillard de mots dont on veut l'entourer. Le contexte de l'entretien donné au Sunday Telegraph n'y change rien. Comparant sa situation avec celle de Cherie Blair, l'épouse du Premier ministre britannique d'alors, Penelope Fillon établit clairement la différence. Elle se présente bien, à l'inverse de son homologue d'outre-Manche, comme une femme au foyer, ce qui est fort honorable, mais contredit diamétralement la thèse de son mari. Le reste est de la rhétorique. Une rhétorique sincère sur certains points : c'est un fait que Fillon n'a jamais été impliqué dans une quelconque affaire avant celle-ci. Son mea culpa, qui concerne l'emploi de membres de sa famille, est authentique. Mais au fond, le message principal délivré dans cette conférence de presse est ailleurs. Il s'adresse à son propre camp : vous pouvez faire ce que vous voulez, dire ce qui vous chante, demander ce qui vous passe par la tête, je reste. Vous n'avez pas de plan alternatif. Il ne vous reste donc qu'une seule solution : vous rallier à mon panache terne. Le chœur soudain ragaillardi de la presse de droite se chargera de mettre en musique cet hymne à la realpolitik. Lui ou le chaos. Lui ou la gauche. Raisonnement cynique mais efficace. Ainsi un candidat qui aurait dû se retirer depuis longtemps, qui aurait été éliminé dans la plupart des démocraties normalement constituées, joue l'acharnement et l'amnésie d'une opinion qu'on va désormais travailler au corps. La droite y regagne un espoir de victoire. La démocratie, une nouvelle fois, y perd.