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Libération
En haut de la pile

Dans l'enfer doré de la famille Le Pen

Olivier Beaumont, journaliste du «Parisien», raconte les coulisses de la demeure familiale située près de Paris, témoin silencieuse des soubresauts de la vie personnelle et professionnelle de la tribu et de rencontres plus ou moins discrètes pendant plus de soixante ans de vie politique.
Le leader du Front National, Jean-Marie Le Pen, et son épouse Pierrette, posent avec leur chien, le 20 avril 1984 dans le jardin de leur propriété à Saint-Cloud. (Photo Gérard Berréby. AFP)
publié le 8 février 2017 à 16h09

De loin, le manoir de Montretout, tanière de la famille Le Pen depuis 1976, ressemblerait presque à celui de la famille Addams, sans la Chose ni l'Oncle Fétide. Situé sur les hauteurs de Saint-Cloud avec une vue imprenable sur Paris, il en possède la façade massive, le côté décati et inhabité, la noirceur grand-guignolesque en moins. Mais de là à parler de l'Enfer de Montretout, titre du livre signé par Olivier Beaumont, le journaliste au Parisien qui suit le Front national, le pas est au moins aussi grand que celui menant du purgatoire au paradis. A moins de considérer que les huis clos familiaux, même dans le cadre de cette luxueuse bâtisse, ne fassent partie de ces cercles de l'Enfer dépeints par Dante.

Grimaldi de Montretout

A l’origine, cette maison a été construite sur ordre du futur Napoléon III en 1830, qui l’a ensuite offerte à son chef de cabinet Jean-François Mocquard. Et Napoléon «le petit», assuré de la discrétion de son loyal serviteur, en usait à sa guise comme d’un lupanar géant. D’où le nombre de recoins, d’alcôves, de couloirs dérobés très bien décrits par l’auteur de ce récit.

Sur cette demeure, antre de l'ex-patron du Front national, tout a été écrit ou presque. Vraie scène de théâtre des drames intimes, politico-familiaux ou véritablement politiques s'y sont joués. Des fêtes dignes du grand siècle, où le champagne coule à flots, s'y sont déroulées jusqu'au bout de la nuit. Au fil du temps, la demeure a hérité de tous les sobriquets. Pour «les Grimaldi de Montretout», en référence à la famille princière monégasque, elle a été le décor d'un véritable soap opéra digne de Dallas ou de Dynastie.

Elysée bis

Olivier Beaumont détaille toute l'histoire des liens entre cette maison et les Le Pen, de l'héritage controversé du fils Lambert au «Vieux» jusqu'au départ de Pierrette Lalanne, la mère des trois filles Le Pen qui posa nue dans Playboy, en passant par le traumatisme de la plus jeune des filles, Marine, à l'annonce de la séparation de ses parents. Comment le pater familias a pu y mener grand train, y jouer les grands bourgeois en héritant de l'immense fortune Lambert. Olivier Beaumont est parvenu à faire parler les murs de Montretout pour y raconter les nouveaux drames, les retrouvailles et surtout tout un pan de l'histoire du FN totalement indissociable du nom et de l'histoire personnelle des Le Pen.

Mais au-delà des anecdotes distillées tout au long de cette saga familiale et patrimoniale, Olivier Beaumont montre surtout comment Le Pen a fait de ce lieu où il régnait en maître un instrument de son pouvoir, une sorte d’Elysée bis, loin du siège officiel du FN et où quelques privilégiés ou favoris pouvaient se targuer d’être reçus et parfois invités pour des soirées plus privées. Montretout a été, en effet, le témoin silencieux de nombre de ces rencontres discrètes sinon secrètes, d’amitiés très disparates sinon inattendues que Le Pen s’est plu à entretenir en plus de soixante ans de vie politique. Mais sur cela, les murs ne parlent pas et encore moins le maître des lieux.

Dans l'Enfer de Montretout, d'Olivier Beaumont (Flammarion, 349 pp., 19 euros).