L'hommage a dû en faire sursauter quelques-uns. Devant les parlementaires, mardi, François Fillon a eu «une pensée émue pour Nicolas Sarkozy et ceux qui vont être mis en cause par la justice dans les jours prochains». Allusion au renvoi en procès de quatorze protagonistes, dont l'ex-président, dans le dossier Bygmalion. Il y a six mois, il assenait que «rien ne sert de parler d'autorité quand on n'est pas soi-même irréprochable». Désormais, entre politiques englués dans des scandales, on se comprend. «Fillon n'avait pas l'habitude, il était derrière quelqu'un qui prenait vigoureusement la lumière. Sarkozy disparu, c'est lui qui prend les coups», analyse un ancien ministre qui a soutenu l'ex-chef de l'Etat. Cette semaine, plusieurs sarkozystes glissaient d'ailleurs dans un sourire que Fillon, pour se dépêtrer de son affaire, apprenait vite les ficelles… Car dans cette «nouvelle campagne qui commence», comme l'a décrété le candidat LR, on retrouve les trucs et dérivatifs du candidat de 2012. Il y a du Sarkozy dans ce Fillon qui vante «sa rage de vaincre».
«Je suis un homme»
Dans le fait de désavouer la justice, par exemple. Certes, Fillon n'a pas de mots aussi durs à l'égard des magistrats. Et lui continue de dire qu'il ne se présentera pas s'il est mis en examen. A-t-il le choix après sa charge estivale ? «Qui imagine le général de Gaulle mis en examen ?» Mais via ses avocats, il a demandé au parquet national financier (PNF) qui a ouvert une enquête de s'en dessaisir, contestant sa compétence dans ce dossier. Mais il ressemble surtout à Sarkozy quand il évoque le scénario d'une machination politique contre lui. La similarité entre les campagnes des deux hommes était frappante, jeudi, à Poitiers. Contraint d'annuler un déplacement à cause d'un risque de manifestation, il a tenu une réunion publique dans un climat électrique. Encore loin du stand-up façon Sarkozy, Fillon, soucieux d'en découdre, a électrisé un public déjà remonté contre les journalistes. «On voudrait que je sois un saint, je suis un homme», a-t-il lancé. Une profession de foi qui évoque le gimmick de Sarkozy, «justiciable qui n'est pas au-dessus des lois… mais pas en dessous de la loi». Et voilà Fillon qui se brosse à son tour en candidat antisystème qui en appelle au peuple. «Si je suis à ce point l'homme qu'il faut mettre à genoux, c'est parce que je suis porteur d'un projet qui bouscule le système», accuse-t-il. Lors de son premier meeting de campagne en 2012, Sarkozy, lui, disait «[s'attaquer] à des intérêts puissants, à des castes qui ne veulent rien lâcher». A Poitiers, Fillon a achevé son discours sur cette envolée toute sarkozyenne : «Ne vous laissez pas voler cette élection. Ne vous laissez pas souffler la flamme du redressement national. On veut nous faire rentrer dans le rang, mais on ne marche pas ainsi sur nos têtes.»
Noyau dur
Il a crié au «grand feuilleton d'attaques en règle», à l'«obsession à vouloir [le] mettre à terre» . On retrouve le discours victimaire de Sarkozy. Ainsi en novembre 2014 : «Il nous faut tourner la page de ces feuilletons écœurants où on veut abattre un concurrent ou un adversaire en le salissant, […] ignorer cette marée de boue.» C'était en pleine affaire Jouyet, après des révélations du Monde selon lesquelles Fillon avait sollicité une accélération des poursuites visant l'ex-chef de l'Etat auprès du secrétaire général de l'Elysée.
Le candidat LR va-t-il éviter les huées en se concentrant sur son noyau dur (20 % au mieux) toute la campagne ? A la Réunion ce week-end, il va multiplier les étapes, loin de l'affaire, mais son agenda de la semaine prochaine n'indique qu'un meeting à Compiègne. En 2012, après une visite mouvementée à Bayonne, Sarkozy avait préféré les salles ferventes. Un sarkozyste d'hier : «Ils adoptent la même stratégie : s'enfermer dans les meetings. L'ancien président se nourrissait de l'énergie des militants. Se ressourcer, n'être bien qu'une fois la salle fermée, cela aide psychologiquement. Mais pour quel effet politique ?»