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Libération

Récépissé d’identité et caméras-piétons : Bruno Le Roux voit flou

publié le 10 février 2017 à 19h46

Le ministre de l'Intérieur, Bruno Le Roux, a tenté vendredi de témoigner des efforts du gouvernement pour améliorer les rapports entre la police et la population depuis 2012. Quelques jours après le drame d'Aulnay (Seine-Saint-Denis), il a justifié l'abandon du projet de récépissé du contrôle d'identité. Les gouvernements successifs ont enterré ce dispositif expérimenté avec succès dans plusieurs pays européens et qui figurait parmi les promesses du candidat Hollande. Bruno Le Roux n'y est pas plus favorable, non pas, comme ses prédécesseurs Place Beauvau, à cause de l'opposition des policiers, a-t-il dit sur Europe 1, mais pour protéger les libertés publiques. «On pense que pour qu'il soit efficace, il faudrait faire un fichier des personnes contrôlées. Vous y êtes prêt ? Moi, je ne suis pas prêt à ce qu'il y ait dans notre pays un fichier des personnes contrôlées dont on ne sait pas demain avec quoi il pourrait être couplé», a-t-il argué.

Virginie Gautron, maître de conférences en droit pénal et auteure de nombreux articles sur les fichiers de police, s'étrangle : «Il n'y a pas besoin de fichier ! Le carnet à souches permet aux personnes contrôlées d'avoir un justificatif. Si le ministère veut faire des statistiques, il n'a pas besoin de conserver l'identité des personnes contrôlées.» Voilà pour l'aspect pratique. Sur le fond, l'argument de la défense des libertés publiques fait encore plus sursauter la chercheuse : «Des dizaines de fichiers ont été créées ces dernières années !» Dont le mégafichier TES qui centralisera les données de tous les détenteurs de cartes d'identité…

Le Roux a par ailleurs repris l’autre argument massue de la Place Beauvau. Les caméras-piétons sont «bien mieux» que les récépissés. On ne compte plus les annonces de «généralisation» de l’usage de ces appareils fixés à la poitrine ou à l’épaule des agents. Pour les autorités, ils sont censés apporter une preuve irréfutable des faits si un contrôle d’identité venait à déraper. Sauf que seulement un millier de ces caméras individuelles «sont testées au sein de la police et près de 600 en gendarmerie», selon un article du Monde du 3 janvier. Un chiffre modeste rapporté aux quelque 250 000 policiers et gendarmes. Avec l’adoption de la loi «égalité et citoyenneté» fin décembre, l’enregistrement devrait devenir systématique. Devant le Sénat, Le Roux a évoqué jeudi 2 600 caméras qui seront bientôt déployées et expérimentées pendant une toute petite année.