Pendant la présidentielle, Libé sonde, chaque jour de la semaine, six lieux différents de la «France invisible». Aujourd’hui, une maison de retraite à Montpellier.
Ils sont passés maîtres dans l'art de tailler des costards : ces résidents des Glycines, un établissement pour personnes âgées de Montpellier, n'y vont décidément pas de main morte lorsqu'il s'agit de commenter l'actualité politique. Cette semaine, c'est l'éventuelle nouvelle candidature de François Bayrou qui en fait les frais. «Je ne lui ferais absolument pas confiance, tranche Bernard, d'ordinaire mesuré. Bayrou est un opportuniste, je dirais même un faux-jeton. C'est un des hommes politiques avec lesquels je suis le plus sévère.» Maurice n'est guère plus tendre : «Les gens sont lassés de le voir et de le revoir encore à chaque élection. Et lui doit se dire c'est le moment ou jamais.» Quant à Mireille, elle confesse : «Il m'énerve, il n'est pas sympa et on ne sait pas trop ce qu'il veut.»
Personne ici n'est donc sensible à son côté «bon père de famille» ? «Vous voulez qu'on voit Bayrou comme un sauveur de la France ? Ah non ! C'est plutôt un opportuniste ! s'emporte Marie. D'ailleurs, s'il se présente, pourquoi maintenant ? Pourquoi avoir hésité aussi longtemps ? Il a attendu que Fillon soit embêté par son affaire !»
Voilà donc le président du Modem habillé pour l'hiver. Nos seniors le préfèrent à Pau plutôt qu'à Paris, et n'ont aucune envie de lui confier les clés de la France. Seule voix discordante, celle de Fernande, habituée à être en minorité : «Moi je le trouve plutôt pas mal. Je ne voterai pas pour lui mais je le trouve intelligent. Et je pense qu'il est honnête.» Les autres reconnaissent que lui, au moins, ne trimbale aucune casserole. Insuffisant pour redorer son blason, d'autant que Marie-Rose, la doyenne, prédit que si Bayrou se lance, lui aussi aura bientôt une affaire sur le dos… Bref, à l'en croire, mieux vaut pour lui jeter l'éponge tout de suite. D'autant que Mireille, encouragée par Maurice et Marie, porte le coup de grâce : «Si on était amenés à voter en dehors des deux grands partis, alors on voterait pour Macron. Sans hésitation.»