Menu
Libération
Retour sur

Violences policières : à Bobigny, des heurts et une polémique

Samedi, une manif de soutien à Théo a mal tourné. La préfecture de police est pointée pour ses ratés et sa communication.
publié le 12 février 2017 à 20h26

Plusieurs rassemblements ont eu lieu en France ce week-end en soutien à Théo L., victime d’un viol présumé lors de son interpellation par la police le 2 février à Aulnay-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis. Samedi à partir de 16 heures, plus de 2 000 personnes étaient présentes à Bobigny, dans un parc en face du tribunal de grande instance.

Pendant une heure, les prises de paroles se sont enchaînées. Sur les pancartes des manifestants, on pouvait lire «La police viole», «Je ne suis pas un bamboula» ou encore «La police tue des innocents».

Alors que le rassemblement se poursuivait dans le parc, plusieurs petits groupes ont commencé à commettre des dégradations sur la dalle qui mène au tribunal : les vitres du conseil départemental de Seine-Saint-Denis ont été brisées et une voiture-régie de RTL incendiée. La police a répliqué par des jets de lacrymogènes et des tirs de balle de défense.

Les affrontements ont duré pendant plusieurs heures. Au total, 37 personnes ont été interpellées.

«Véhicule en feu». «Comment est-ce que ça a pu dégénérer à ce point ?» s'interroge Issa Bidard, 18 ans, l'un des organisateurs. Sécuriser l'événement était du ressort de la préfecture de police de Paris. La plupart des effectifs protégeaient le tribunal, très peu la foule. «Vendredi, on est allés au commissariat de Bobigny pour les prévenir que l'événement avait beaucoup tourné sur Facebook et qu'il risquait d'y avoir plus de monde que prévu, raconte l'étudiant en histoire. Le commissaire nous a expliqué que c'était la préfecture qui gérait et qu'elle allait nous rappeler, ce qu'elle n'a jamais fait.»

Samedi vers 20 heures, la préfecture établit un premier inventaire. Selon son communiqué, l'événement a été perturbé par «plusieurs centaines d'individus violents» . Et «des effectifs de police ont dû intervenir pour porter secours à une jeune enfant se trouvant dans un véhicule en feu» . L'information est reprise par plusieurs médias. Problème : c'est faux, et sur les réseaux sociaux, plusieurs témoins remettent en cause cette version. Parmi eux, Madjid Messaoudene, élu Front de gauche à Saint-Denis, indique dans la soirée qu'il n'a «vu aucun CRS venir secourir qui que ce soit» .

Rétropédalage. C'est en réalité un ado de 16 ans, Emmanuel Toula, qui a secouru la fillette. Retrouvé par le Bondy Blog, il raconte : «Des jeunes lançaient des pierres, c'était du grand n'importe quoi. Ils ont commencé à mettre la poubelle en feu juste devant la voiture. Là, la mère de famille est sortie du véhicule. Du capot s'échappait un peu de fumée car la poubelle était juste devant. La mère a sorti son petit garçon, qui devait avoir 2 ans maximum, et dans la précipitation, elle a oublié sa fille. Moi, à ce moment-là, je me suis approché de la voiture, et j'ai vu une petite fille de 5 ou 6 ans, tétanisée.» Deux autres personnes lui viennent en aide pour trouver un gendarme à qui confier la fillette, pendant que lui cherche sa maman : «On nous a dit de ne pas nous approcher. Je leur expliquais alors ce qui s'est passé, qu'on cherchait la maman de cette petite fille. Un gendarme nous a finalement dit de venir vers lui. La petite fille est restée avec les deux hommes et le gendarme, moi, je suis allé à la recherche de la maman.»

Face à ce récit, la préfecture rétropédale : «C'est bien un manifestant qui a sauvé la petite fille et l'a remise aux policiers. Nous n'avons jamais écrit que les policiers avaient tout fait.» Sollicitée dimanche par Libération, elle n'a pas répondu à ces questions : pourquoi l'essentiel du dispositif a-t-il été concentré autour du tribunal ? Le risque de débordements avait-il été assez anticipé ? Pourquoi la circulation a-t-elle été rétablie alors que le rassemblement et des affrontements étaient toujours en cours ?

Photo Cyril Zannettacci