Le Parquet national financier (PNF) compte quinze parquetiers, actuellement en charge de 371 affaires (1). Créé par la loi du 6 décembre 2013, en vue de centraliser les procédures contre «la fraude fiscale et la grande délinquance économique»,il n'a pas chômé et s'est installé dans le paysage judiciaire. Une circulaire de Christiane Taubira, alors ministre de la Justice, précise qu'il est aussi en charge des «affaires susceptibles de provoquer un retentissement national ou international de grande ampleur». Vaste programme… En dépit d'un manque d'effectifs criant (ses besoins initiaux étaient évalués à 22 magistrats spécialisés), la patronne du tout jeune PNF, Eliane Houlette, milite pour une extension de ses prérogatives (corruption, fraude fiscale et autres délits boursiers) aux affaires de financement illégal des campagnes électorales.
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«Acte d’indépendance»
La commission des lois de l'Assemblée nationale vient de publier un rapport, sous la plume de Sandrine Mazetier (PS) et Jean-Luc Warsmann (LR), faisant un premier bilan d'étape «globalement satisfaisant», suggérant toutefois d'accroître les sanctions contre les personnes morales, «les peines prononcées étant trop peu dissuasives». Héritant à l'origine de dossiers initialement ouverts par d'autres parquets, le PNF prend depuis un malin plaisir à se saisir de tout ce qui est dans l'air du temps : outre la petite cuisine financière de François Fillon, les «Panama Papers», les «FootLeaks» et même Google. Une enquête préliminaire cible actuellement le géant du Net pour fraude fiscale aggravée, après saisine de Bercy, d'où une spectaculaire perquisition au printemps, mobilisant près d'une centaine d'enquêteurs. Eliane Houlette pourrait s'en féliciter, mais a confié aux députés : «Les montants maximaux encourus peuvent être particulièrement bas au regard de la taille des multinationales.» Dernière affaire en date, la récente condamnation de Serge Dassault pour blanchiment de fraude fiscale. Sanction minimaliste, avec une simple amende de 2 millions d'euros, quoique les faits «auraient mérité une peine de prison ferme», précisera le président du tribunal. A l'audience, l'avocate du sénateur-avionneur, Jacqueline Laffont, avait dénoncé un «réquisitoire militant qui convoque la morale, la décence et la transparence, qui n'ont pas leur place dans une instance judiciaire». Patrice Amar, représentant du PNF, avait rétorqué : «On nous accuse de militantisme, mais c'est un acte d'indépendance qui nous fait mener Serge Dassault en justice.» Symbole pour symbole, la récente relaxe de Guy Wildenstein, héritier d'une dynastie de marchands de tableaux adeptes des paradis fiscaux, fut un camouflet pour le PNF, qui avait tenté de se substituer à Bercy contre les Wildenstein.
Marque de fabrique
De gauche, le PNF ? Les poursuites engagées contre Jérôme Cahuzac lui servent d'utile contre-exemple. Mais on comprend la tempête sous les crânes s'agissant de François Fillon, en pleine campagne présidentielle. Le PNF n'hésite pourtant guère à prendre ses responsabilités, privilégiant la citation directe devant le tribunal correctionnel à la saisine d'un juge d'instruction (dans 74 % des cas l'an dernier, contre 37 % à sa création). Les affaires simples peuvent donc être traitées rapidement, la 32e chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Paris, spécialement dédiée aux dossiers du Parquet national financier, pouvant «audiencer sans délais, siéger sans discontinuer», selon le rapport parlementaire.
L’affaire Nina Ricci (l’héritière du groupe de luxe, condamnée en première instance à trois ans de prison, dont deux avec sursis, pour avoir placé 17 millions d’euros en Suisse) fut le baptême du feu du PNF, sa marque de fabrique : pour la première fois en matière d’évasion fiscale, un avocat d’affaires était condamné pour complicité. Hasard du calendrier, vendredi, la cour d’appel doit valider ou pas cette future jurisprudence, le PNF étant particulièrement compétent pour toute la délinquance financière «en bande organisée», fût-elle réduite à deux membres.
(1) Les juridictions interrégionales spécialisées (JIRS), notamment celle de Marseille, conservent toutefois 250 dossiers en cours. Ceux du PNF ciblent à 45 % la corruption, 43 % la fraude fiscale et 12 % des délits boursiers.