Quel étrange rapport à l'argent, entre Tartuffe et Harpagon… Grand prêtre de la rigueur, François Fillon n'aimait guère l'austérité pour lui-même. Sa désormais célèbre adresse - «qui imagine le général de Gaulle mis en examen ?» - se retourne encore une fois contre lui. Dans la vie civile, le général vivait chichement en regard de son rôle et de sa notoriété, pour l'essentiel à la Boisserie, gentilhommière plutôt spartiate. Il payait ses dépenses personnelles quand il était à l'Elysée et refusa sa retraite d'ancien président quand il dut quitter le pouvoir. Imagine-t-on le général de Gaulle donner des conférences tarifées ? Comme le montre notre enquête, François Fillon n'a pas eu ce souci. Rien d'illégal dans cette activité, dont l'exemple lui a été donné par les tournées de Nicolas Sarkozy ou encore, sur un pied autrement lucratif, par les anciens présidents américains. Mais tout de même. Outre ses revenus d'élu et les émoluments si contestés de son épouse, l'ancien Premier ministre Fillon avait astucieusement créé une société de conseil dix jours avant de redevenir député, antériorité qui lui permettait d'exercer ses talents de conseiller malgré l'interdiction qui en est faite aux élus, en raison des risques de conflits d'intérêts. Une manière régulière mais peu glorieuse d'exploiter les latitudes données par la législation. L'affaire s'assombrit encore un peu quand on constate que deux de ses donneurs d'ordre, instigateurs ou organisateurs de ces conférences assorties de rondelets dédommagements, sont deux de ses proches, aujourd'hui impliqués étroitement dans sa campagne. Rien à dire, encore une fois, sur le plan légal. Mais des arrangements qui jurent avec l'image de père la vertu que François Fillon a utilisée pour décaniller dans la primaire son ami-ennemi Nicolas Sarkozy. Il est vrai que les deux conférenciers sont maintenant réconciliés sur l'autel branlant des intérêts supérieurs du parti LR. Lancé tel un boulet dans une campagne quasi impossible, François Fillon va devoir expliquer aux électeurs que l'heure est venue de se serrer la ceinture. La sienne taillait plutôt large et si l'on en croit les enquêtes d'opinion, la base naturelle de la droite s'est brutalement rétractée de plusieurs crans. Fillon tente de changer de terrain en faisant du Sarkozy, époque Kärcher. L'opinion sera-t-elle dupe ?
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