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Libération
Souffrance

Abattoirs : un camion itinérant pour «transporter la viande, pas les animaux»

En juin, un premier camion d’abattage mobile sillonnera l’Est de la France. Objectif : en finir avec l'acheminement, parfois dans des conditions atroces, des bêtes vers les abattoirs industriels.
A partir de juin, un premier camion d’abattage mobile sillonnera l’Est de la France. Ici, un abattoir à Josselin (Morbihan). (Photo Isabelle Rimbert pour Libération)
publié le 21 février 2017 à 12h24

Enfin une bonne nouvelle au pays de la viande ? A partir de juin, un premier camion d’abattage mobile sillonnera l’Est de la France en partant de Bourgogne. A l’initiative de la société Le Boeuf Ethique, ce système évitera soigneusement les abattoirs industriels tout en respectant les normes sanitaires. De quoi penser que les éleveurs, eux aussi, se sentent concernés par la souffrance de leurs propres bêtes.

Eleveuse de Charolais à Beurizot (Côte-d'Or), Emilie Jeannin, 36 ans, a découvert ce système en Suède en avril dernier. Finis, les centaines de kilomètres parcourus par les bêtes vers les abattoirs, parfois dans des conditions atroces. Finies, les cadences d'abattage infernales. Un camion itinérant, allant de ferme en ferme, fait mourir les bêtes là où elles ont vécu, auprès de ceux qui les ont élevées, avec des rendements modestes mais raisonnés. «J'ai vu quelque chose de magnifique en terme de professionnalisme, de propreté et de respect de l'animal, se souvient Emilie Jeannin. Quand je suis rentrée, je ne pouvais plus envoyer mes bêtes dans un abattoir tel qu'ils existent en France.» Celle qui fait de la vente directe depuis onze ans à la Ferme de Lignières parle même d'une «ambiance apaisée» : «Cette fois, c'est l'abattoir qui s'installe chez l'éleveur, pas l'inverse. Cela transforme tous les rapports, entre l'éleveur et la bête, entre les bêtes, entre la bête et le consommateur.»

Camion miracle

A terme, l'initiative pourrait concerner 300 éleveurs de races à viande dans un rayon de 300 kilomètres. Le Boeuf Ethique leur achèterait les animaux vivants avant d'organiser un planning d'abattage et de confier provisoirement la conservation et la découpe à l'abattoir d'Autun (Saône-et-Loire). Ce qui voudra dire anticiper, en vendant sans doute autant mais moins fréquemment. Depuis sa découverte, Emilie Jeannin va à la rencontre de ses petits camarades pour les convaincre d'adopter le camion miracle. Quand on lui parle, elle sort justement d'une réunion publique à Vesoul, appelant à «transporter la viande, pas les animaux».

De quoi, peut-être, renouer avec l'abattage «à la ferme» tel qu'il était pratiqué autrefois ? «Actuellement, le système industriel n'assume pas de tuer et rend la mort invisible, remarque le philosophe Olivier Assouly (1). On fait comme si les conditions de mise à mort ne faisaient pas partie de l'élevage à part entière. L'abattage mobile permettrait de ne plus dissocier le temps de la mort du reste.» Pour Emilie Jeannin, attentive à l'alimentation des bêtes et à leur relation avec les éleveurs, un bon abattage est l'une des conditions pour faire «la meilleure viande possible».

(1) Dernier livre paru : Les nourritures politiques de Jean-Jacques Rousseau. Cuisine, goût et appétit (éd. Garnier).