Et François Bayrou renonça. En faisant mentir tous ceux qui jugeaient son obsession présidentielle trop aiguë pour qu'il se prive d'une quatrième candidature à l'Elysée, le maire de Pau démontre autant son sens des responsabilités que sa lucidité sur le rapport de forces du moment. En tendant une main à Emmanuel Macron - après avoir esquivé celle de Ségolène Royal en 2007 et attendu en vain celle de François Hollande en 2012 -, le président du Modem espère contribuer, à défaut de le conduire, au big bang partisan qu'il appelle de ses vœux depuis une décennie avec l'émergence d'un centre enfin central.
Dans un pas de deux qui n'avait rien d'improvisé, Macron s'est empressé d'accepter l'offre de Bayrou. Au nom des idées, bien évidemment, lui qui dit refuser toute carabistouille entre partis. Mais sans en dire tellement plus sur les termes du contrat. En mettant sur la table des projets législatifs, comme une nouvelle loi de moralisation de la vie politique, et non des exigences d'investitures − question qui, chacun l'imagine bien, est sur la table en coulisses – François Bayrou apparaît moins en combinard qu'en homme se hissant à la hauteur de l'époque. Sur le mode: moi j'ai le sens de l'histoire. Quitte à rallier un candidat qu'il brocardait en septembre dernier d'un tweet accusatoire: «Derrière Macron, il y a des intérêts financiers incompatibles avec l'impartialité exigée par la fonction politique.»
Crédité, au mieux, ces derniers temps, de 5% d’intentions de votes dans les sondages, ce qui faisait peser un fort risque financier sur son hypothétique campagne, celui qui fut le troisième homme de la présidentielle en 2007, acte aussi le succès de la blitzkrieg menée par Macron sur l’électorat centriste. Une entreprise dans laquelle le programme brutal et les démêlés avec la justice de François Fillon ont été des alliés décisifs. Pour le dire autrement, François Bayrou s’évite aussi le risque bien réel d’une déculottée.
Pour Macron, le soutien du Béarnais est à double tranchant. Certes, la non-candidature de Bayrou est forcément une bonne nouvelle sur le plan sondagier car elle place Macron seul en scène entre Fillon et Hamon. Mais d’une, tous les électeurs qui pensaient voter Bayrou ne se reporteront pas mécaniquement sur Macron. Et de deux: le soutien de Bayrou ancre la candidature du leader de En Marche au centre droit. Alors que l’ancien ministre chiraquien Jean-Paul Delevoye dirige déjà la commission d’investiture du mouvement et que le soutien d’Alain Minc avait fait grincer des dents chez les soutiens socialistes de l’ancien ministre de l’Economie, pas sûr que l’arrivée de Bayrou soit des plus attractives. Elle est en tout cas une mauvaise nouvelle pour François Fillon dans la course à la deuxième place.