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Libération
Le FN à l'Elysée ?

Signal d'alarme

Lors d'un meeting de Marine Le Pen à Mirande (Gers) le 9 mars. (Photo Pascal Pavani. AFP)
publié le 10 mars 2017 à 20h26

La logique, les mathématiques, l’histoire, la géographie électorale et les analyses des meilleurs experts de la mécanique frontiste - bref, la raison - voudraient que Marine Le Pen ne soit pas la prochaine présidente de la République. Mais personne ne prendra le pari de la raison. Tous les baromètres dont on dispose pour mesurer l’étiage de la candidate la situent à des niveaux exceptionnels : les reporters sur le terrain, comme les sondeurs, sentent monter la colère, s’ancrer le ras-le-bol et l’envie irrésistible d’exprimer leur rage contre «le système». Ses électeurs ont beau commencer à connaître l’envers peu reluisant du parti d’extrême droite, ils sont de plus en plus nombreux à assumer ou à s’en foutre. Faut-il pencher du côté de la raison et parier sur la solidité du «plafond de verre», ou se mettre en mode signal d’alarme, avec les victoires plus ou moins inattendues du Brexit et de Trump dans un coin de la tête ? Les adversaires de Marine Le Pen parient sur le premier en jouant sur le registre du second. Tactiquement, Mélenchon, Hamon, Macron, Fillon ont raison. Si Marine Le Pen confirme dans les urnes son poids sondagier, ou le dépasse, il n’y a plus qu’une place en finale. Se parer alors des habits du vote utile dès le premier tour en se posant comme les meilleurs remparts à Le Pen leur assure une victoire plus certaine qu’un duel droite-gauche plus classique. Mais que la tactique est grossière, puérile et dangereuse. Grossière : jouer sur les peurs ne fait justement plus peur. Il serait temps que les candidats s’en rendent compte, culpabiliser les électeurs ne sert à rien. Puéril : sérieusement, accuser l’autre d’un «ton programme est un marchepied pour le FN», qui peut croire que cela pourrait marcher ? Dangereux : dans une équation à multiples inconnues, tenir pour certain qu’il existera en mai un vote républicain est un pari risqué qu’un politique responsable ne devrait plus prendre. En 2017, en le remettant sans cesse au centre du jeu, les partis jouent toujours avec le FN et lui font le cadeau de s’ancrer encore plus profondément dans le paysage. Pire, on repousse la cote d’alerte à plus haut. Comme si un 25 % au premier tour ou un 40 % au second n’étaient pas déjà le signal que nous avons changé d’époque. L’urgence est bien là : les idées du FN ont bel et bien gangrené les esprits. Les politiques n’ont toujours rien appris. Et la cote d’alerte est plus que dépassée.