De la préfecture des Alpes-Maritimes à la mairie de Nice, la même réponse, en boucle. Lors des préparatifs du feu d'artifice, le risque d'un attentat avec un véhicule bélier n'a jamais été anticipé et n'a donc pas été pris en compte. C'est ce qui ressort de l'enquête préliminaire que Libération a consultée. En effet, tout avait été imaginé pour faire face à un terroriste armé d'un fusil ou équipé d'explosifs.
Evénement ouvert. «L'hypothèse que nous avions en tête, c'est celle d'un ou plusieurs individus armés ou porteurs d'un agent explosif ou toxique», indique aux enquêteurs le directeur du cabinet du préfet, François-Xavier Lauch. C'est lui, avec l'appui du préfet, qui validera le dispositif de sécurité retenu : «En préparant cet événement, personne n'avait à l'esprit la possibilité qu'un camion de 19 tonnes fonce dans la foule». «La menace identifiée était celle du "tueur de masse" armé ou en possession d'explosifs, confirme Marcel Authier, le directeur départemental de la sécurité publique (DDSP). L'objectif était de détecter et éventuellement intervenir au moment de l'entrée de cet ou ces individu(s) dans l'espace festif.»
Lors d’une première réunion, le 28 juin à la préfecture des Alpes-Maritimes, la mairie présente les festivités prévues. La reconstitution des échanges par les enquêteurs est surtout basée sur les déclarations des participants. Aucun compte rendu n’a été rédigé, seules quelques notes sibyllines ont été versées à l’enquête.
Une seconde entrevue a lieu le 7 juillet. Les organisateurs et l’Etat s’accordent alors sur un modèle éprouvé au Festival de Cannes et validé lors d’une réunion à l’Intérieur. Un premier périmètre de «circulation» est tenu par la police municipale, puis un second dit de «sécurisation», est pris en charge par la police nationale, comme le révélait Libération cet été. L’événement est ainsi ouvert, sans barrière, et semble, selon les responsables, adapté à la menace d’un terroriste armé ou équipé d’explosifs. En clair, rien n’est prévu pour faire face à un véhicule bélier contrairement à ce qu’affirmait quelques jours après le drame Bernard Cazeneuve, alors ministre de l’Intérieur. «La configuration de l’espace sécurisé rendait particulièrement difficile voire impossible une sanctuarisation par des plots en béton, seuls susceptibles d’empêcher efficacement une pénétration par un véhicule bélier lourd», note l’enquêteur de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) dans son rapport de synthèse.
«Sanctuarisation». Cette option avait pourtant été appliquée dans le cadre des fan-zones de l’Euro organisé en France quelques jours auparavant. Le directeur du cabinet du préfet s’en justifie devant les enquêteurs : «L’hypothèse d’un véhicule bélier avait été évoquée par un commissaire de la DDSP dans un contexte très différent. […] Celui de la sanctuarisation d’un périmètre, demandé par l’organisateur : Euro 2016 SAS.» Des plots remplis d’eau avaient alors été positionnés sur une quarantaine de mètres. Un dispositif non renouvelé pour les festivités du 14 Juillet.