Les inquiétudes de l'année précédente étaient «fondées». A l'occasion de la remise de son rapport annuel, ce matin, la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL), Adeline Hazan, déplore, une fois encore, un «recul des droits fondamentaux des personnes privées de liberté». Un constat tiré des textes législatifs entrés en vigueur ces derniers mois dans un contexte de menace terroriste, mais aussi des 146 visites de terrain de ses équipes. Elle dénonce ainsi le durcissement et le «profond changement de philosophie dans le régime de l'exécution des peines», dans une période «exceptionnelle» où la sécurité l'emporte sur la liberté. «En réaction à des coups de plus en plus rudes, des lois de plus en plus restrictives des droits fondamentaux ont été votées. Faudrait-il, pour se mettre au diapason de la tragédie, prendre le risque de renoncer aux valeurs et aux libertés fondamentales ? Je ne le pense pas», écrit-elle dans son avant-propos.
Dans ce rapport ultra-documenté d'environ 230 pages, elle dresse un aperçu de la situation dans les différents établissements de privation de liberté : prisons, centres éducatifs fermés, locaux de garde à vue, centres de rétention ou encore les établissements de santé mentale. Deux d'entre eux ont fait, en 2016, l'objet d'une recommandation en urgence. D'abord, le centre psychothérapique de l'Ain, à Bourg-en-Bresse, où la CGLPL est intervenue afin de faire cesser une «pratique massive et abusive» de l'isolement et de la contention. Ensuite, la prison de Fresnes où ce sont les conditions d'incarcération indignes de la maison d'arrêt pour hommes qui ont été épinglées. Libération revient sur les grandes lignes du rapport en matière carcérale.
Les nouvelles places de prison ne sont pas une solution à la surpopulation
De rapport en rapport, la prison souffre toujours des mêmes maux. Ils tiennent dans cette synthèse : «Une surpopulation généralisée dans les maisons d'arrêt, une insuffisance de personnel, la vétusté d'un grand nombre de bâtiments, un manque d'activité ainsi que des difficultés d'accès aux soins liées à la démographie médicale, à l'excès des contraintes de sécurité qui accompagnent les soins ou au non-respect du secret médical.» Le nombre de détenus n'a jamais été aussi important, surtout dans les maisons d'arrêt (1), au bord de l'explosion : au 1er août 2016, sur 68 819 personnes incarcérées, seules 26 829 bénéficiaient d'une cellule individuelle. Soit en moyenne une densité de 140% dans ce type d'établissements, voire de 200% en région parisienne.
En septembre 2016, le garde des Sceaux Jean-Jacques Urvoas s'est saisi de la problématique et y a répondu par un rapport volontariste intitulé «En finir avec la surpopulation carcérale». Dans la foulée, le gouvernement s'est engagé dans un vaste chantier immobilier avec la construction de 10 000 nouvelles places dans la France entière, notamment en maisons d'arrêt. Néanmoins, selon la CGLPL «la construction de places nouvelles ne constitue pas une réponse satisfaisante au problème de la surpopulation carcérale». Le rapport souligne que depuis vingt-cinq ans, près de 30 000 nouvelles places sont déjà sorties de terre sans résoudre l'écueil de la surpopulation carcérale. «Il n'y a pas de raison de penser que, sans réforme de la politique pénale, elles le feront davantage dans l'avenir», est-il écrit.
Privilégier les peines alternatives et les aménagements de peine
La contrainte pénale développée par l'ancienne garde des Sceaux, Christiane Taubira, reste très peu appliquée. De même, les peines alternatives à la prison ou encore les aménagements de peine qui permettraient de désengorger les établissements ne sont pas suffisamment utilisées par l'institution judiciaire. La CGLPL a également été confrontée à de multiples situations où «la peine semble dépourvue de sens». Elle évoque ainsi «des très courtes peines, facteur important de désocialisation et de précarisation et dépourvues d'impact en termes de réinsertion en raison de la surcharge des établissements pénitentiaires d'insertion et de probation». Et déplore que la prison ne soit pas utilisée en «dernier recours». Adeline Hazan exhorte donc les pouvoirs publics à engager une véritable réflexion sur ces questions.
Le régime juridique des fouilles étendu de manière «excessive»
En prison, les fouilles sont encadrées par la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009. Malgré tout, «des pratiques abusives» ont été constatées lors des visites des contrôleurs, d'autant qu'une loi du 6 juin 2016 est venue élargir les motifs de la fouille. Désormais, elle ne trouve plus sa motivation uniquement dans le comportement d'un détenu, mais s'étend à tous les «risques collectifs». «La CGLPL déplore qu'il soit désormais possible de recourir aux fouilles intégrales sans nécessité d'individualiser cette mesure au regard du comportement de la personne détenue, mais sur le fond exclusif du lieu dans lequel elle se trouve», indique le rapport. Ce qui constitue un recul des droits fondamentaux des personnes détenues. D'autant que, dans la pratique, certains établissements iraient même au-delà du texte, considérant que la réforme a rétabli «le caractère systématique des fouilles».
(1) Les maisons d'arrêt reçoivent les prévenus en attente de leur procès et les personnes condamnées à des peines d'emprisonnement inférieures à deux ans.