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La Guyane reprend son souffle malgré l’appel à la grève

La vie reprend un peu son cours habituel dans les centres-ville malgré l’appel à la grève générale de lundi. Le blocage des routes est maintenu alors que Bernard Cazeneuve annonce la venue de «plusieurs ministres d’ici la fin de la semaine».
Grève et barrages routiers à Cayenne, en Guyane, le 27 mars. (Photo Mirtho Linguet pour Libération)
publié le 27 mars 2017 à 19h32

Les stations-service ont rouvert lundi dans la quasi-totalité du département après avoir pu être ravitaillées. Elles devraient tenir «deux ou trois jours», selon un gérant de Cayenne. Partout ailleurs, les supérettes sont ouvertes. Depuis le début de la mobilisation générale, «aucun incident majeur» n'a été répertorié par la préfecture. Jeudi malgré tout, un arrêté municipal était instauré par le maire de Cayenne à l'encontre des mineurs, afin d'éviter que les incendies de poubelles et la montée de la tension ressentie dans la nuit de jeudi à vendredi ne s'installent.

En ce premier jour de grève générale dans le privé et dans l'éducation nationale, l'ambiance est globalement calme. L'appel a été lancé par le syndicat majoritaire, l'Union des travailleurs guyanais (UTG), et un collectif de l'éducation composé de syndicats, de parents, d'étudiants et de lycéens. A Cayenne, le chef-lieu, il n'y a ni défilé, ni cris. Les gens se rassemblent en fonction de leurs affinités. La communauté éducative s'est donné rendez-vous notamment devant le rectorat de Cayenne. Là, 400 à 500 personnes se sont rassemblées lundi matin, c'est peu. «Je m'attendais à plus de monde, mais après, tous ceux qui sont hors de Cayenne n'ont pas pu passer les barrages», excuse un professeur gréviste.

Besoins immenses

Les voix des leaders syndicaux qui se succèdent au micro gardent le même ton année après année. C'est un mélange de profonde exaspération. Selon l'Insee, «le taux de sorties précoces est de 54% contre 18% pour la France entière». La scolarisation dès 3 ans n'est pas effective dans cette collectivité où près d'un habitant sur deux a moins de 20 ans. «La Guyane est en retard de dix ans sur les constructions scolaires», s'agace une syndicaliste de SUD-éducation. Il faut dire que les besoins sont immenses : dans le second degré, il faudrait trois collèges et quatre lycées supplémentaires pour les années à venir, pour une population officielle de plus de 260 000 habitants. A ce jour, un collège et un lycée uniquement sont actés financièrement.

A Cayenne, le 27 mars. Photo Mirtho Linguet pour Libération

«La situation est grave, la violence à l'intérieur de nos établissements scolaires et aux abords conduisent des élèves à démissionner car on ne peut pas assurer leur protection», se lamente Martine Nivoix, conseillère principale d'orientation à Cayenne et leader du Sgen-CDTG-CFDT. Isabelle Patient, vice-présidente à la collectivité territoriale de Guyane, joue l'apaisement : «Nous sommes conscients du besoin. En septembre, nous avons demandé à l'Etat 250 millions d'euros pour les collèges et les lycées pour répondre aux besoins dans les cinq ans. Soixante millions d'euros ont été promis par Ségolène Royal pour les collèges et lycées avant la fin du quinquennat lors de sa visite en Guyane [du 15 au 17 mars], assure Isabelle Patient. Mais on n'a pas eu de réponses pour le premier degré.»

Une marche prévue mardi

De l'autre côté de cet immense territoire d'Amérique du Sud, à Maripasoula, commune frontalière avec le Suriname de 11 000 habitants, accessible par avion et pirogue, les parents, les professionnels et des élus tapent aussi du poing sur la table. «Attendons-nous encore les élections législatives pour entendre les mêmes conneries ? Au collège de Maripasoula, il y a des problèmes d'hygiène. Une partie des personnels sont en arrêt de maladie sans même être remplacés», s'agace le conseiller municipal Aikumalé Alemin (Guyane-Ecologie). Le schéma est tout aussi désolant à l'extrême est, le long de la frontière avec le Brésil, dans la commune amérindienne de Camopi-Trois-Sauts.

La Guyane s'achemine désormais vers un nouveau rendez-vous. Mardi, les collectifs ont appelé à une marche dans les villes. Et pour que chacun puisse se joindre à la marche, «la circulation sera ouverte en début de matinée», selon France-Guyane. Ce lundi, le Premier ministre, Bernard Cazeneuve, a promis la venue «d'ici la fin de la semaine» d'une délégation de ministres. Les syndicats avaient fait savoir qu'ils étaient prêts à engager des négociations, mais seulement en présence d'un ministre.