Chaque vendredi, Thierry Mandon, secrétaire d’Etat à l’Enseignement supérieur, chronique la campagne électorale.
Boulet : «Chose, personne constituant une obligation dont on ne peut se libérer.» Cette présidentielle est un triomphe pour les boulets, il y en a partout. Au Front national, les choses sont simples. La campagne consiste à les cacher : on dissimule la démission de près du quart de ses élus locaux, on enterre avant l'heure le père fondateur, on distribue des guides de campagne insistant sur l'image de respectabilité, on demande aux radicaux de se cacher, on tient à distance les magistrats autant que faire se peut. Pour que la façade soit avenante, il faut remplir l'arrière-boutique. Le trop-plein menace. Autre méthode : s'en débarrasser. C'est le choix qu'a fait Jean-Luc Mélenchon. Exit la famille communiste, elle est invitée à se ranger derrière lui ou à disparaître. Même chose pour les partis et corps intermédiaires, autant de filtres inutiles entre le peuple et César, il faut de l'ordre, la place doit être nette. Qu'ils s'en aillent tous ! Le dégagisme prôné par le candidat n'est rien d'autre que la théorie du grand nettoyage de printemps appliquée à la vie politique. On tremble.
Au Parti socialiste, où rien n’est jamais prévisible, ce sont les boulets qui prennent la poudre d’escampette. Au milieu d’une campagne où félonies et trahisons se font la courte échelle, le candidat fait courageusement campagne au nom d’un drapeau allégrement piétiné et d’une volonté de parler enjeux d’avenir envers et malgré tout. Tiens bon, Benoît. Tu nous aides à tenir debout.
Le candidat de la droite de gouvernement a un autre type de problème : le boulet, c’est lui. Ses frasques, sa tentative désespérée de crier au complot, sa surenchère sécuritaire ou libérale, rien n’y fait, tout est vain. Impossible de faire campagne contre soi-même.
Du côté des innovateurs radicaux d’En marche, du neuf ? Se réclamer au-dessus des partis, au-delà des clivages, en dehors du jeu politique, oblige à la créativité si l’on veut trouver son chemin. Il faut à la fois attirer, tous azimuts, et faire barrage. Tous les jours on joue donc à «boulet, je t’aime, moi non plus». Palme d’or désormais incontestée : Manuel Valls remercié de son soutien comme Grégoire VII le fit avec Henri IV à Canossa. Les ralliements servent sa campagne mais le candidat annonce qu’il ne s’en servira pas. On marche au canon ? On verra.
Un peu de poésie dans ce monde de brutes : Flaubert disait que «le vent du boulet rend aveugle». Plus on regarde cette campagne, moins on y voit clair. C'est donc que tout y reste possible, même le pire.