Cela intriguait beaucoup le petit monde catholique français qui, ces derniers jours, bruissait de rumeurs. Mais où était donc passé l'évêque d'Aire et Dax, Hervé Gaschignard ? Pourquoi avait-il brutalement quitté son diocèse juste après l'assemblée plénière des évêques à Lourdes ? Empêtré dans de troubles affaires avec des jeunes, le prélat a, en fait, été contraint d'abandonner son poste : un départ annoncé officiellement, jeudi, par la Conférence des évêques de France (CEF). «Sur la suggestion du nonce apostolique [l'ambassadeur du Vatican, ndlr], il avait proposé sa démission», souligne un communiqué du président de la CEF, Georges Pontier. Un départ accepté, selon les procédures de l'Eglise, par le pape lui-même. En tant que telle, cette «sanction» est très rare et ébranle l'épiscopat, déjà sous pression à cause des scandales récurrents de pédophilie.
L'affaire a démarré, selon les informations de l'Eglise, par une lettre envoyée directement au Vatican, à la Congrégation pour la Doctrine de la foi qui gère (entre autres) les affaires de mœurs du clergé. La famille d'un jeune, proche de la très traditionaliste Fraternité Saint-Pierre, se plaignait du «comportement inapproprié» de l'évêque qui aurait interrogé, de manière insistante, leur enfant sur sa sexualité. Par la suite, elle avait été reçue par le cardinal-archevêque de Bordeaux, Jean-Pierre Ricard, le supérieur hiérarchique de Gaschignard.
Les choses en étaient restées là avant que deux autres personnes ne se manifestent, le 21 mars, auprès de Ricard. Elles lui ont fait part du «malaise devant des attitudes et des paroles» de Gaschignard à l'égard des jeunes. A la suite de cette rencontre, l'évêque de Dax a lui-même pris contact avec le procureur de la République. De son côté, le cardinal Ricard a également fait un signalement à la justice.
Nommé évêque de Dax en 2012, Hervé Gaschignard, formé à Rome, avait mené jusqu'à présent une brillante carrière au sein de l'institution, gravissant un à un tous les échelons. En 2007, il était devenu ainsi le bras droit de l'archevêque de Toulouse, Robert Le Gall, dont il était très proche depuis de nombreuses années. Originaire du diocèse de Nantes, Gaschignard fréquentait l'abbaye bretonne de Kergonan, lieu prestigieux et prisé de la mouvance traditionaliste. Le Gall en était le père abbé jusqu'à sa nomination à Toulouse. A l'été 2011, les choses ont commencé à mal tourner. Quelques jeunes, au retour d'un camp en VTT, s'étaient plaints du comportement de l'évêque. Le Gall avait fait alors un signalement à la justice, une affaire classée sans suite. Malgré cette alerte, Gaschignard a continué de monter en grade pour devenir, l'année suivante, évêque d'Aire et Dax. C'est là l'un des points d'interrogations de cette affaire. Sollicité par Libération, l'archevêque de Toulouse était, selon son porte-parole, injoignable ce jeudi. «Le processus de nomination des évêques a ses faiblesses», reconnaît un théologien français.