L'intensification du mouvement de protestation annoncé ce week-end, avec à la clé «un blocage total» de la Guyane, n'était pas vraiment perceptible lundi. «Comme on ne nous a pas entendus, on avait dit qu'il y aurait un durcissement, souligne Patricia, syndicaliste de l'Union des travailleurs guyanais (UTG), "cheffe" du barrage à l'aéroport Félix-Eboué de Cayenne. [Mais] le collectif entend aussi les gens. Pour qu'il n'y ait pas plus de personnes hostiles aux barrages, on a décidé de ne pas interdire la circulation aux piétons et aux deux-roues.» La régulation de la circulation se fait donc au coup par coup, en fonction des discussions entre chefs de barrages.
«On ne sait pas qui décide de quoi concernant le renforcement des barrages, c'est très opaque», regrette un homme mobilisé à Cayenne. Lui n'est pas encarté à l'UTG, le puissant syndicat de Guyane, indépendantiste et moteur des blocages. Dans le secteur de l'éducation, le durcissement en revanche est ressenti. La décision a été prise de «barrer l'accès au rectorat, au bâtiment administratif de l'université» et à l'un des amphithéâtres, sur le campus de Cayenne.
«Contre-manifestation»
Alors que le blocage du territoire vient d'entamer son vingtième jour, il y a désormais deux camps : ceux qui maintiennent la pression pour obtenir des engagements de François Hollande, resté mutique jusqu'ici. Et ceux qui se sont désolidarisés de la paralysie. Ils s'organisent : leur page Facebook est suivie par plus de 2 700 internautes et un SMS pour une «contre-manifestation», mardi, circule à Kourou.
Lundi, le chef de l'Etat est sorti de son silence, pour répondre aux quatre parlementaires qui l'avaient sollicité. «Dès le début du mouvement, j'ai reçu les revendications exprimées avec toute la considération qui s'imposait», écrit François Hollande, qui demande une levée des barrages et invite le collectif à réfléchir à un «plan de convergence» sur le long terme.
«Depuis les premiers jours, nous finançons les barrages de Saint-Laurent à hauteur de 150 euros par jour, et le super U fait de même. Ça fait 300 euros par jour. Il faut bien qu'ils mangent», témoigne Alain Chung, président de l'Association chinoise de l'ouest guyanais, qui regroupe 150 points de vente, soit un peu plus de 50% des commerces de cette partie du territoire. Depuis lundi à Saint-Laurent, on circule plus facilement, alors qu'il y a eu précédemment jusqu'à sept barrages.
«L’argent va en face»
Alain Chung est membre du «collectif», mais il commence à trouver lui aussi le temps long. «Les raisons de cette grève sont justifiées mais les plus faibles d'entre nous ont déjà déposé le bilan. On est en pleine période de CAF [versement des allocations familiales, ndlr], l'argent va en face, au Suriname.» Comme les commerces de Saint-Laurent sont fermés, les habitants de la ville vont en effet faire leurs courses sur l'autre rive du fleuve Maroni. «Les engagements de ce mouvement ne doivent pas aller à l'encontre de l'économie locale», pointe Alain Chung.
Dimanche soir, un «meeting d'explication» a été organisé à Cayenne par les leaders du collectif afin de remobiliser les troupes. Devant plus d'un millier de citoyens et sympathisants les différents intervenants, ont tous appelé à «patienter». «On s'est lancés dans un combat, pour avoir une bonne éducation, la santé. Il ne faut pas rester dans vos maisons ! Levez-vous !» a exhorté l'une des porte-parole du collectif du Maroni, Anoussa Abienso, enseignante.