Pendant la présidentielle, Libération sonde chaque jour des lieux de la «France invisible». Le vendredi, une brasserie de campagne à Charancieu, en Isère.
Christian, 64 ans, responsable logistique dans l'industrie, attend au comptoir du Crocus qu'on lui prépare une quinzaine de déjeuners à emporter pour son équipe. Il accepte volontiers de livrer son analyse, lui qui a fait son choix depuis des mois : il votera Macron. Traditionnellement, il apportait sa voix au Parti socialiste, mais cette fois, il estime que le candidat officiel, Hamon, est «trop à gauche, pas réaliste» et qu'il est allé trop loin dans l'opposition à Hollande et Valls : «On ne peut pas claquer la porte du gouvernement, en frondeur, et revenir comme ça !» L'option Hamon écartée, Christian s'est déterminé par élimination. «Critère numéro 1 : l'honnêteté, une priorité. Deux : pas question de suivre ceux qui sont pour la sortie de l'Europe. Trois : pas d'extrême. Donc c'est vite vu, Macron s'est pratiquement imposé, à la fois par choix sur le fond, et par utilité, contre le FN.»
La flambée dans les sondages de Mélenchon est aujourd'hui sa principale inquiétude : «Sa remontée est assez énorme et il peut représenter un danger pour Macron. L'avantage de Mélenchon, c'est qu'il est bon orateur, avec un pouvoir de séduction, les gens adorent mais moi il me fait un peu peur. Je crois qu'il peut arriver au second tour et ce qui m'inquiète le plus dans son programme, outre la sortie de l'Europe, c'est son inspiration communiste, sa volonté de tout nationaliser… C'est utopique et dangereux. Macron reste le mieux placé pour l'emporter, mais on ne peut pas savoir. Et dans l'hypothèse d'un second tour entre Le Pen et Mélenchon, je serais bien emmerdé !» Christian garde néanmoins confiance en la capacité de Macron de l'emporter.
Et aux législatives ? «Je voterai bien sûr pour un candidat En marche, il faut qu'il ait une majorité parlementaire.» Et s'il ne l'avait pas ? «Je souhaite qu'il y ait des alliances avec Valls, avec Bayrou, et même avec Juppé, c'est jouable et Macron est bien accompagné pour ça. Le PS va se recomposer, il en a vu d'autre, et il sera plus au centre, plus social-démocrate. Que Macron et Valls s'entendent, oui, ça m'intéresserait !»