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Libération
Interview

ETA : «Le juge d’application des peines artisan de la paix»

publié le 13 avril 2017 à 20h26

Conseiller des Premiers ministres de François Mitterrand, Louis Joinet, 82 ans, a été un des négociateurs des accords de Matignon sur la Nouvelle-Calédonie en 1988, et a œuvré à l’arrêt de la violence d’ETA. Samedi 8 avril, à Bayonne, il a salué à la tribune des «artisans de la paix» ce collectif qui a permis le désarmement de l’organisation séparatiste basque.

Qu’avez-vous ressenti lors de la remise des armes par ETA ?

Nous avons vécu un moment historique. C’est la première fois que je vois un accord de paix réussir grâce à la société civile. C’est une garantie de solidité.

Comment le processus doit-il évoluer, notamment sur les prisonniers ?

La prochaine étape doit œuvrer à la mise en place de la justice transitionnelle. La plupart des Basques emprisonnés en France ont été condamnés définitivement. Or dans un Etat de droit règne le principe sacro-saint de l’autorité de la chose jugée. Seul le juge de l’application des peinesa le pouvoir d’en assouplir l’exécution. Désormais, l’artisan de la paix, ce sera lui. Il a de nombreux outils juridiques à sa disposition telle que la confusion des peines, la mise en liberté conditionnelle, le placement sous bracelet électronique. Un signe positif immédiat pourrait être la libération des détenus gravement malades.

Samedi, les «artisans de la paix» ont insisté sur la reconnaissance de «toutes les victimes» du conflit…

Il faut arriver à ce que s’amorce un dialogue entre les auteurs et les associations de victimes, une éventuelle réconciliation ne pouvant intervenir qu’à très long terme…

Quid du sort des membres d’ETA exilés à l’étranger ou encore dans la clandestinité ?

On peut imaginer un protocole comme celui que nous avons appliqué dans les années 80 à l’égard des brigadistes italiens, dont près de 300 avaient fui en France.Ceux qui acceptaient de sortir de la clandestinité devaient renoncer à la violence politique, ce qui leur permettait d’accéder à un asile de fait.

Après la remise de l’arsenal d’ETA, Madrid a déclaré que «ses membres ne peuvent attendre aucun traitement de faveur». Qu’en pensez-vous ?

L’Espagne refuse toute évolution, y compris celles que la France pourrait favoriser. Il faut espérer que ce qui s’est passé le 8 avril va faire bouger les lignes en isolant ce radicalisme.

Le ministre français de l’Intérieur, Matthias Fekl, a salué «un grand pas»…

Il a manifesté un encouragement pour un processus de paix tandis que les Espagnols saluaient «l'anéantissement d'ETA». Vae victis ! «Malheur aux vaincus» : on sait trop ce que donne, au final, ce type d'attitude.

photo AFP