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Libération

Hamon ou Macron : des ministres muets sur leurs intentions

A une semaine du premier tour, les membres du gouvernement peinent à se positionner entre un candidat PS qui n’est pas sur leur ligne et l’ex-ministre de l’Economie qui tape sur le bilan.
Benoît Hamon en meeting à Villeurbanne, mardi. (Photo Bruno Amsellem)
publié le 14 avril 2017 à 20h36

C'est à se demander s'il ne leur a pas poussé des branchies. Ereintés par cinq ans au pouvoir qui se sont dissous dans une présidentielle folle, les membres du gouvernement jouent désormais au Monde du silence, retranchés dans les profondeurs de leurs ministères. Officiellement, la «période de réserve» qui court pendant un mois avant le premier tour vise à limiter les tentations d'utiliser son activité ministérielle à des fins électorales. Mais cette année, c'est le contraire : elle est devenue le refuge officieux de tous ceux qui ne veulent pas avoir à révéler leur bulletin du 23 avril. Voter Benoît Hamon, par loyauté et pour préparer la suite, même si le «futur désirable» du candidat devrait terminer sur l'un des pires scores socialistes de la Ve République ? Choisir Emmanuel Macron pour faire barrage au FN alors qu'à l'approche du verdict, l'ancien protégé de François Hollande tape comme un sourd sur le Président et le bilan ? Au sommet, «c'est la désolation», lâche Patrick Kanner. «Il règne au gouvernement un profond sentiment d'injustice. Personne ne défend le bilan : Hamon ne dit rien, Macron non plus», souligne le ministre des Sports.

«C'est étrange». Les situations locales des uns et des autres pèsent sur leur choix. La perspective de législatives compliquées et illisibles conduit tout le monde à la prudence. «En Conseil des ministres, on traite les dossiers en attendant la fin, mais on ne parle pas de politique, abonde un ministre. Personne ne sait ce que pense son voisin, c'est étrange.»

La seule chose qui accrédite l'idée que la fin approche, c'est la présence d'un photographe, qui immortalise les allées et venues ministérielles à l'Elysée. «J'imagine que c'est pour les archives», glisse Myriam El Khomri. Sur le perron présidentiel, Ségolène Royal préfère louer la «passion» que Jean-Luc Mélenchon apporte dans la campagne plutôt que trancher entre Hamon et Macron. De son côté, Marisol Touraine reste obstinément muette sur la suppression annoncée du compte pénibilité par Macron.

Remontés contre la «campagne Syriza-Podemos» de Hamon et déterminés à avoir la peau de l'accord électoral qu'il a signé avec les écologistes, que vont faire les ministres dits hollandais, orphelins inconsolables du quinquennat ? Des semaines qu'ils tournent autour du pot lors d'apéros au ministère de l'Agriculture. A l'initiative de Stéphane Le Foll, une tribune circule pour affirmer la position «centrale» de leur orientation progressiste dans la future recomposition de la gauche. Michel Sapin, Martine Pinville, Clotilde Valter ou Jean-Marc Todeschini figurent parmi les signataires. Mais l'idée ayant fuité dans la presse et le texte ayant été lu comme un soutien à Macron, la parution devrait finalement être repoussée au lendemain du premier tour.

Sur le papier, il y a pourtant beaucoup plus de ministres hamonistes que macroniens. Trois sont passés à En marche : Jean-Yves Le Drian, Thierry Braillard et Barbara Pompili. Mais les sondages qui se resserrent et le procès en haute trahison intenté par la base socialiste à Manuel Valls quand il a officialisé son soutien à l’ex-ministre de l’Economie en refroidissent plus d’un.

Fiefs. Matthias Fekl, Pascale Boistard, Najat Vallaud-Belkacem, Emmanuelle Cosse ou Laurence Rossignol roulent, eux, officiellement pour le candidat PS. Au début de la campagne, ils ont multiplié les SMS lui demandant de se recentrer ou de reprendre des morceaux du bilan à son compte. Leurs conseils et leurs appels tombant dans le vide, ils ont arrêté. Du coup, ils accueillent Hamon dans leurs fiefs au fil de la campagne sans que ça ne respire l'enthousiasme. Comme Hélène Geoffroy, mardi à Vaulx-en-Velin, ou Christian Eckert, qui explique sur scène à Nancy qu'il est là «parce que c'est difficile». C'est assez bien résumé.