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Libération
Éditorial

Inconnu

publié le 17 avril 2017 à 20h36

Les déjeuners de famille peuvent être éprouvants. Surtout quand vient s’y fracasser une élection majeure. Engueulades, portes qui claquent, jets de serviettes, faux départs… En avril 2017, on se croirait revenu douze années en arrière, quand la France fut convoquée à donner son avis sur le traité constitutionnel européen. En lieu et place du oui/non, désormais, onze noms pour s’empoigner, avec d’autant plus de violences que la colère des Français n’a pu s’étancher au cours d’une campagne hystérique, confisquée par les affaires, les invectives, le clientélisme, par les postures antisystème et l’extrême démagogie.

La passion pour la politique, indéniable pilier d’une indescriptible identité française, laissera des traces profondes cette année. Y aura-t-il des familles irréconciliables comme certains ont théorisé des gauches irréconciliables ? Ces traces, tout comme cette gauche morcelée qui s’écharpe sur des votes tactiques et cette droite dévastée mais plus revancharde que jamais, sont autant d’inconnues qui pèsent sur le second tour. Mais comme il y aura, on le sait bien, des repas de famille à Noël, on se doute bien que la politique est tout aussi faite de petites trahisons que de rabibochages, surtout quand la victoire est à portée de main. Les familles françaises sauront-elles trouver sinon l’unité, du moins les ressources nécessaires pour reprendre le dialogue ? Les partis réussiront-ils, en mai et en juin, à construire des alliances solides pour gouverner le pays ? Sauter dans l’inconnu, virer un à un les représentants d’un monde ancien comme on s’engueule avec nos parents, transformer la rage française en exigeante aspiration à faire naître un nouveau système politique : voilà au moins une base pour reconstruire, parler enfin d’avenir. La famille, autre passion française ; autre identité en réinvention.