Marine Le Pen est au second tour de l'élection présidentielle… mais en deuxième position. Derrière un Emmanuel Macron qui représente ce qu'elle déteste le plus : le système, l'Europe, le gouvernement sortant. Une déception pour le Front national (FN), qui se voyait déjà premier parti de France, comme lors des élections régionales de 2015. Les cadres du parti ont donc assuré le service après-vente du premier tour pour présenter les événements sous un jour plus favorable, chacun à leur manière.
Première étape : tâtonner. Le député du Rassemblement bleu Marine du Gard, Gilbert Collard, a d'abord profité d'un duplex BFM peu après la diffusion des premières estimations pour faire un tour de chauffe. Las, ses éléments n'étaient pas encore au point, ce qui donne la pirouette la plus farfelue de la soirée : «Qui aurait pu imaginer que Marine Le Pen serait au second tour, à quelques centimètres de voix du chouchou du système ?» (uniquement visible sur le site de Closer, désolés).
La question tombe tellement à côté que seul un ermite coupé du monde pourrait sincèrement se la poser. Les enquêtes d'opinion qui donnent Marine Le Pen au second tour sont ultra-majoritaires depuis cinq ans. En 2017, par exemple, seules 3 enquêtes sur 96 l'excluaient du duo gagnant. En 2016, c'est encore plus net : l'intégralité des 35 sondages recensés par les contributeurs de Wikipédia place la candidate frontiste au second tour.
D'ailleurs, la conscience qu'a Le Pen de sa forme électorale achève de décrédibiliser la manœuvre de Collard : dès fin 2014, lors du congrès du FN à Lyon, elle jugeait qu'il ne faisait «plus aucun doute pour personne que nous serons au second tour de l'élection présidentielle de 2017». Il y a cinq jours, elle affirmait carrément sur Europe 1 qu'elle serait en pole position à l'issue du premier tour : «Je serai en tête le soir du premier tour parce que je sens qu'il y a une incroyable mobilisation, une incroyable dynamique, je connais assez bien mes électeurs et je pense qu'ils vont me porter en tête dimanche soir.»
Deuxième étape : rectifier. Après une nuit de brainstorming, les Rachline, Bay et consorts investissent les plateaux des matinales avec plus de billes. Tellement de billes que le vice-président du FN, Florian Philippot - que Collard n'aime pas trop d'ailleurs - ouvre les hostilités sur RMC/BFM en reconnaissant sur-le-champ que Marine Le Pen «était annoncée depuis longtemps au second tour».
Habile, le stratège frontiste souligne ensuite que les pronostics ont souvent été déjoués ces derniers mois (éliminations successives de Sarkozy, Juppé et Valls lors des primaires) pour montrer que Marine Le Pen est parvenue à tenir son rang «contre vents et marées». Le directeur de campagne de Marine Le Pen, David Rachline, lui emboîte le pas dans la posture victimaire : «Franchement avec ce qu'on a vécu dans la campagne de premier tour, avec le déferlement et cette coalisation (sic), cette, heu… cet ensemble cohérent, médiatique, qui a lutté contre nous de manière tout à fait violente, le résultat est exceptionnel, spectaculaire et Marine l'a dit hier : historique.» Face à cette «coalisation», l'exploit d'atteindre le second tour «prouve que les Français ont fait un choix mûrement réfléchi, un vrai vote d'adhésion», conclut Philippot.
Troisième étape : se placer dans une «dynamique» en vue du second tour. Ça a été le job de David Rachline, qui a envoyé de la «dynamique» en veux-tu en voilà toute la matinée. «Assez spectaculaire» sur Europe 1, voire «extrêmement puissante» sur France Info, cette dynamique s'appuie sur le nombre de communes («18 845», un peu en deçà de notre décompte : 19 003) et de départements (47 lorsque Rachline se sent d'humeur rigoureuse sur Europe 1, 48 quand il fatigue un peu sur France info où la candidate FN est arrivée en tête, contre respectivement 7 000 et 42 (ou «40») pour Macron.
"Nous sommes arrivés en tête dans 48 départements : la dynamique est donc très forte !" @franceinfo
— David Rachline (@david_rachline) April 24, 2017
Dans ce même état d'esprit, Nicolas Bay a décrété la campagne pour le deuxième tour ouverte et tenté de remettre les compteurs à zéro : «Maintenant c'est une nouvelle campagne en quelque sorte qui s'ouvre, et le but c'est de dégager une majorité de Français contre le hollandisme saison deux.»
Pour cette campagne, David Rachline est confiant car les idées frontistes irriguent le cœur du débat. Il l'a expliqué à la caméra de Sputnik (si, si) : «Nous savons que nous sommes majoritaires sur les grandes idées. Les Français veulent des frontières pour contrôler l'immigrations. Ils veulent refonder l'Union européenne, […] ils veulent la priorité nationale et ils sont en phase avec les idées qui sont celles de Marine». Une assurance qui détonne nettement de la feinte surprise de Gilbert Collard, dimanche soir.
🎥 #SputnikVidéo Sénateur-maire FN: «nous savons que nous sommes majoritaires»@david_rachlinehttps://t.co/Lrntwy3miB pic.twitter.com/6u8uomPhbm
— Sputnik France (@sputnik_fr) April 23, 2017