Les bureaux de vote ont ouvert à 8 heures ce dimanche en métropole. Dans le Pas-de-Calais, à Marseille, près d'Annecy, à Tulle, ou à Rennes, récit de ce jour de vote pour le second tour par les correspondants et envoyés spéciaux de Libération.
A Annecy-le-Vieux, «et si, finalement, c’était génial ce qui se passe aujourd’hui ?»
Au bureau 48 d'Annecy-le-Vieux, fief filloniste, la tendance se confirme au fil de l'après-midi : la participation reste en net retrait par rapport au premier tour, de cinq points. La coordinatrice des élections pour la mairie précise que c'est une exception, liée sans doute à l'importance du vote LR sur ce bureau. Elle relève aussi «et c'est la première fois que je vois ça, qu'aucun scrutateur des deux partis en lice n'est accrédité sur ce bureau. Pas de représentants, ni du FN, ni d'En marche…» Michelle, jeune sexagénaire, a choisi de voter Macron. Elle avait voté Fillon au premier tour, «avec beaucoup d'hésitation», tentée déjà de se tourner vers Macron. Le choix aura donc été facile pour elle aujourd'hui : «C'est un jeune, c'est pas plus mal et j'espère qu'il portera une nouvelle façon de faire de la politique… à condition qu'on lui donne les moyens d'agir aux législatives.» Serge, son mari de 72 ans, qui se définit de «centre droit» et avait lui aussi voté Fillon au premier tour avec «beaucoup de réticence», précise : «J'ai peur d'une position dure des républicains ; Wauquiez, notamment, m'a beaucoup choqué. Ce serait dommage de ne pas donner une vraie majorité à Macron, dont j'ai notamment beaucoup apprécié le credo européen. Et si finalement c'était génial ce qui se passe aujourd'hui ?» (F.C)
A Marseille, «Pourquoi Macron serait mieux ?»
Sur le panneau électoral placé devant l'école Saint-Louis-Consolat, les équipes de Marine Le Pen n'ont pas pris la peine de coller sa photo. Seul Emmanuel Macron s'affiche, légèrement déchiré par le mistral. Ici, le candidat d'En marche n'a décroché que la troisième place dans cette école du 15e arrondissement, au nord de Marseille, loin derrière la candidate frontiste, en tête presque à jeu égal avec Jean-Luc Mélenchon. C'est pour le candidat des insoumis que Rémi, 37 ans, avait voté au premier tour. Ce dimanche, l'ouvrier du bâtiment prend le soleil devant l'entrée de sa résidence, sans intention de se rendre aux urnes. «Ça ne m'intéresse pas de choisir entre la peste et le choléra, évacue-t-il. Et comme le vote blanc n'est pas pris en compte…» Rémi l'assure : autour de lui, dans la cité, beaucoup ont pris la même décision. «Et si on avait voté, ç'aurait été plutôt pour Le Pen, prévient-il. Je suis fils d'immigré espagnol. Mais comme j'ai dit à mes collègues du quartier, c'est pas parce qu'elle est élue qu'on va nous renvoyer chez nous ! On a tout essayé, alors pourquoi pas elle ? Pourquoi Macron serait mieux ?» Ce genre de raisonnement fait peur à Marouane, 21 ans. Ce mélenchoniste du premier tour vient de glisser son bulletin Macron dans l'urne. «Dans la poubelle, je trouve qu'il y avait beaucoup de «Macron» froissé, raconte-t-il, son désarroi planqué sous sa capuche. C'est bizarre, je n'aurais pas cru ça de mon quartier… Peut-être qu'ils ont peur ?» (S.Ha)
A Saint-Grégoire, «Macron, un bon mec de droite dans un gouvernement de gauche»
A quelques kilomètres de Pacé, Saint-Grégoire, commune résidentielle du nord de Rennes, a fait mieux que sa voisine pour Emmanuel Macron au premier tour : 41,2% des suffrages. Aurélie, 37 ans, infirmière venue voter avec son fils de sept ans et sa petite fille de huit mois dans les bras, aimait pourtant bien «les idées de Mélenchon» et avoue que ce n'était pas un choix évident. «Pour mon mari pompier et moi-même qui suis infirmière, le discours de Macron sur les fonctionnaires ne nous plaisait pas trop [le candidat d'En marche prévoit la suppréssion de 120 000 postes, ndlr]. Mais, cette fois c'était clair, il n'était pas permissible qu'il n'y ait plus d'enfants de couleur dans la classe de mon fils». Pour Annick, 62 ans, l'adhésion est en revanche quasiment totale. «J'ai été séduite par son programme, sa jeunesse d'esprit et je le vois bien représenter la France, confie cette femme vêtue avec élégance. Quelle correction ! C'est un garçon bien élevé ! Et pour mes trois enfants, c'était aussi important ! Ma fille, qui travaille dans le tourisme en Californie, s'est même déplacée de Santa-Cruz au consulat de San Francisco pour faire sa procuration !» Yves et Sandrine, respectivement cadres dans les télécom et le secteur bancaire, sont un peu plus dubitatifs mais n'en louent pas moins «la position centriste» de leur candidat et son programme sur les retraites. «Mais je ne suis pas pour autant Macron à fond, tient à préciser Sandrine. Avec la loi travail, on a bien vu que c'était un bon mec de droite dans un gouvernement de gauche !»
(PHA)
Dans le Pas-de-Calais, «Macron c’est un banquier, déjà que je ne fais pas confiance à ma banque»
Mickaël n'a pas voté au premier tour. Et au second ? «Marine», comme l'appellent ses partisans. Il résume : «Macron c'est un bourgeois qui s'occupe des bourgeois. Marine, elle est d'ici, elle nous comprend.» L'œil bleu, souffle court, ce micro-entrepreneur dans le bâtiment regarde à droite et à gauche comme pour chercher l'inspiration auprès des voitures qui passent. On est à Mazingarbe (Pas-de-Calais), ville dirigée par un médecin divers gauche. Dans le gymnase de l'école Anatole-France, au carrefour de trois cités minières, on a installé les urnes sous un panier de basket. Dans cette ville, Marine Le Pen a engrangé 52,1% des voix au premier tour. Et dans les deux bureaux de vote de l'école Anatole France, elle grimpe à 60% et près de 62% le 23 avril, et risque d'en faire plus encore au second. Ici, les progrès du vote d'extrême droite sont fulgurants. Au premier tour de 2012, avec une participation équivalente, Le Pen n'était qu'à 34%. Voilà Guillaume, ancien tâcheron en abattoir, désormais ouvrier intérimaire en poissonnerie. «J'ai été licencié, je n'ai rien touché pendant deux mois, vous trouvez ça normal ? Et les migrants qui touchent 40 euros par jour !» On lui dit que les demandeurs d'asile ne perçoivent que 6 euros par jour. «Il fallait qu'ils restent dans leur pays.» Ses joues s'échauffent. «Et Macron, il est d'où ? Vous me le rappelez ? Il est du Touquet ! Et c'est une ville de quoi ? C'est une ville de bourges !» Sa femme Lætitia : «C'est un banquier. Déjà que je fais pas confiance à ma banque.» Ils disent bonjour à une voisine qui passe. Elle a voté blanc au premier tour, Marine Le Pen au second, convaincue par le débat. «Elle a montré le vrai visage de Macron.» Elle soupire. «Elle ne sera pas élue. Pas cette fois. Mais elle finira par passer. Si c'est pas elle, ce sera sa nièce.» (H.S.)
A Annecy-le-Vieux, dans un fief filloniste, «mon côté républicain a primé»
Bureau 48, quartier ultra-cossu d'Albigny, sur les rives du lac d'Annecy. Ici, dans le fief de Bernard Accoyer, secrétaire général LR, près de 59% des votants avaient choisi Fillon au premier tour. A la mi-journée, aujourd'hui, la participation accusait clairement le coup : 39%, en recul de 5 points par rapport au premier tour. Nombre d'électeurs, visage fermé, refusent de s'exprimer. Anthony, 42 ans, athlétique chef d'entreprise au bonnet de laine bleu-blanc-rouge, «filloniste», vient de glisser un bulletin Macron dans l'urne et assume son choix «en pleine quiétude». Il précise néanmoins : «Je ne suis pas serein sur le climat actuel, les frontières, la situation est délicate. Le choix n'était pas simple aujourd'hui mais j'ai voté la cohérence, en chef d'entreprise : mon côté républicain a primé.» Macron ne lui inspire pourtant guère confiance : «C'est un pantin, manipulé par des puissants, Hollande entre autres. Ceci dit, j'attends de voir. Un président de 39 ans qui relève ce genre de défi, ça me plaît… comme certains de ses choix économiques, la fin du RSI, la baisse des cotisations sociales. On verra bien donc si on va en reprendre pour cinq ans de gauche ou pas : j'attends avec impatience le choix de son premier ministre.» (F.C.)
A Pacé, «Macron c’est la bonne personne, au bon endroit, au bon moment»
Avec les premiers rayons de soleil perçant la couche nuageuse, il semble que les partisans les plus convaincus d'Emmanuel Macron sont sortis du bois. Près de la salle de sports Louison-Bobet, d'où l'on entend les exclamations des joueurs de hockey à l'entrainement, beaucoup d'électeurs de Pacé, ville de 11 300 habitants (à 10 km de Rennes) ayant placé le leader d'En marche largement en tête du premier tour, ne tarissent en tout cas pas d'éloges. «Il a une capacité d'analyse, de réflexion hors-norme, il est aussi extrêmement cultivé, c'est une machine exceptionnelle», s'enflamme Richard, qui a bien sûr voté pour son champion aux deux tours. Pour ce banquier de 54 ans, barbe de deux jours et veston kaki sur les épaules, c'est «la bonne personne, au bon endroit, au bon moment». Issu d'une famille communiste, il se dit également «méfiant» à l'égard de tous les extrêmes, même s'il ne confond pas les insoumis avec «les fascistes lepénistes». Ses seules préventions à l'égard de Macron : «C'est le produit d'une élite avec un mode de réflexion des grandes écoles qui méconnait les gens qui ont voté par colère.» Sollicité par des militants d'En marche, il n'en a pas moins accepté de voter également Macron pour une personne qui lui a confié sa procuration. Une procédure qui a battu des records à Pacé pour ce second tour, avec pas moins de 791 procurations pour 8 315 inscrits. (P.-H.A.)
A Marseille, «c’est un vote contraint avec un pistolet sur la tempe»
Marine Le Pen, Emmanuel Macron, égalité parfaite : au premier tour, les deux candidats ont obtenu 157 voix chacun dans le bureau de vote de l'école Chave, dans le 5e arrondissement de Marseille, l'un des spots tendance «bobo» du centre-ville. Ce dimanche, la balle est aux électeurs de Jean-Luc Mélenchon, arrivé en tête dans ce bureau avec 195 voix. Vont-ils jouer leur rôle d'arbitre ou bouder ce match nul ? A midi, la participation semblait en très légère baisse, confie l'une des scrutatrices, à l'image de celle relevée sur l'ensemble de la ville: 30,15% contre 30,51% au premier tour. Pour Nicolas, qui avait voté Mélenchon au premier tour, venir aujourd'hui était une «évidence». «Il fallait éviter le pire», argumente le jeune électeur de 25 ans, qui ne veut pas se mettre la pression : «Oui, je me sens une responsabilité particulière aujourd'hui, mais autant que les électeurs de Fillon ou des petits candidats.» Pas question pour autant de parler de vote utile. «C'est plus un vote contraint, avec le pistolet sur la tempe», grince-t-il. Claude, lui, est contrarié mais a tout de même choisi de voter blanc, pour ne pas choisir entre «l'ultralibéralisme et l'extrême droite». «Je trouve que ça avait plus de sens au premier tour, lui renvoie Julia, sa fille de 20 ans, qui vient de voter Macron. Là, y en a bien un des deux qui va être élu, alors autant choisir… Et pour moi, Marine Le Pen, ce n'est pas possible.» (S.Ha.)
A Grenay, «Macron a mené une politique qui a déçu les habitants»
Grenay, (Pas-de-Calais), salle Mercier, dans la cité 11, le FN a dépassé 60% au premier tour. Au mur, des outils de mineurs, et deux terrils peints sur fond de ciel bleu. Dehors, un quartier adorable, une cité minière faite de petites maisons de briques bien tenues, et alignées. «Un calme apparent, qui contraste avec le résultat des urnes», souligne Christian Champiré, le maire communiste, et prof d'histoire-géo au collège de Grenay. Il n'a pas été surpris des 50,5% pour le FN dans sa ville. Déjà aux régionales, le FN avait cartonné, et «il s'enracine depuis plusieurs scrutins.» Lui n'avait pas voté Chirac en 2002 et se souvient s'être «fait engueuler par beaucoup de camarades». Il confie avoir de nouveau voté blanc. «Macron a mené la politique qui a déçu les habitants qui avaient voté Hollande en 2012. Et qui a fait monter le FN.» Il estime que la bataille «se fera ailleurs.» Sans connaître le vote de son maire, Etienne, 71 ans, ancien ouvrier, a voté Mélenchon au premier tour, et blanc au second. «Le Pen je veux pas en entendre parler. Je sais ce que leur parti a fait. Ma mère a fait les camps. Elle a été arrêtée parce qu'elle allait chercher du beurre pendant le couvre-feu. Pour le reste elle n'en parlait jamais.» Dans l'enveloppe, il a «remis une feuille Mélenchon.» Et pourquoi pas Macron ? «Parce qu'avec Hollande, c'est la même clique. Qu'est-ce qu'on a eu en 5 ans ? Rien, à part des augmentations [de factures]. Dans cinq ans, plus personne roulera au diesel, qui est-ce qui a l'argent pour acheter une nouvelle voiture ici ? Moi je touche 800 de retraite, et je paie 500 de loyer.» (H.S.)
A Veyrier-du-Lac, «Macron, adversaire clairement de gauche»
Sur les rives du lac d'Annecy, aux eaux rendues grisâtres par le mauvais temps, les électeurs de la commune cossue et touristique de Veyrier-du-Lac vivent un second tour amer. Ici, on a voté Fillon à plus de 55 % au premier tour, tandis que Le Pen n'avait réuni que 6,66 %. La participation en fin de matinée était «inférieure» à celle du premier tour, assurent les assesseurs du bureau, sans plus s'avancer, invoquant «le mauvais temps, peut-être…» Nombre de ceux qui avaient choisi Fillon le 23 avril, et qui sont venus voter ce dimanche de second tour affichent leur dépit au sortir de l'isoloir : «Je n'ai qu'une chose à vous dire : c'est une élection merdique, il n'y a pas d'autre mot», lâche une sexagénaire bon chic-bon genre. Denis et Jacqueline, croix en sautoir, sont plus diserts et font comprendre qu'ils ont voté Macron : «Nous n'avions guère le choix, l'attitude de le Pen est inacceptable… mais nous avons confiance, les corbeilles de l'isoloir sont pleines de bulletins Le Pen !» D'autres ont fait le choix de voter blanc, comme Jacqueline et René, toujours très amers sur le «piège» tendu à Fillon, leur candidat : «On est venu voter sans illusion, sans aucun intérêt, par devoir. Nous ne comprenons pas l'appel des républicains à voter pour Macron, leur adversaire clairement de gauche. N'ont-ils pas de fierté ?» Ils se sont décidé dès le soir du premier tour et sont déterminés : «On se mobilisera pour les législatives, il faut une majorité de droite au parlement !» (F.C.)
A Marseille, «je ne sais pas si j’ai fait le bon choix»
Elle sort sac ouvert, les yeux humides et le pas incertain. «Je ne pensais pas pleurer, mais là…», confie Fanny, 41 ans. Elle vient tout juste de glisser un bulletin Macron dans l'urne, plus un autre pour un copain qui lui a donné procuration. Au premier tour, tous deux avaient choisi Jean-Luc Mélenchon, comme près de 50% des suffrages exprimés dans ce bureau de vote de l'école Korsec, quartier de Belsunce à Marseille. Pour l'instant, vers 10 heures, la participation semble se maintenir dans les trois bureaux de l'établissement, annoncent les scrutateurs. Au soir du premier tour, Fanny avait d'abord décidé de ne pas donner sa voix à Emmanuel Macron. «Et puis j'ai hésité, explique-t-elle. Après cette histoire de militants de l'Action française qui ont tabassé un lycéen à Marseille…» La jeune quadra fait référence à la bagarre qui a éclaté la semaine dernière devant un établissement du 8e arrondissement marseillais: selon plusieurs témoins, un lycéen aurait été blessé en tentant de s'interposer lors d'un tractage des militants monarchistes. «Quand je vois ça, je me dis qu'il y a un réel risque que l'extrême droite puisse arriver au pouvoir, soutient Fanny. Mais la politique de Macron me fait aussi horreur… Quand je vois le printemps social de l'an dernier, je pense que ça va être une catastrophe. Je ne sais pas si j'ai fait le bon choix, on ne le saura pas tout de suite…» (S.Ha.)
A Pacé, «cette fois j’ai voté sans états d’âme»
A Pacé, commune limitrophe de Rennes, on a beau avoir massivement voté Macron au premier tour (40,65% des voix) et, pour beaucoup, remettre ça au second, l'adhésion au programme du leader d'En marche apparaît bien timide. «Cette fois, j'ai voté pour lui sans états d'âme, souligne Maryse, jeune retraitée de 57 ans, qui a sacrifié son week-end prolongé pour remplir son devoir de citoyenne. Mais au premier tour, je ne voulais surtout pas d'un duel Le Pen-Fillon, ça aurait été insupportable.» Le «premier choix» de cette ancienne radiographe se portait sur Benoît Hamon. Jugé «trop gentil», elle lui aura finalement préféré un candidat qu'elle trouve «un peu trop libéral» mais qui reste selon elle «sûrement quelqu'un de bien». Claudie, 65 ans, salue quant à elle «un candidat de la synthèse, capable de libérer l'économie et d'adapter la protection sociale au monde d'aujourd'hui». «Il faut davantage prendre en compte les situations intermédiaires entre deux emplois sans pour autant tomber dans l'assistance», explique cette formatrice qui a alterné chômage et temps partiels. Sa confiance dans les capacités d'Emmanuel Macron à conduire les affaires du pays demeure toutefois prudente, s'inquiétant des «appuis dans les banques, les milieux économiques qu'il n'a pas révélé» et appelant de ses vœux une «pression citoyenne» qui l'oblige à faire des «compromis». «Au moins aujourd'hui, y'avait pas photo!», s'exclame t-elle, après avoir dit tout le mal que lui inspirait Marine Le Pen. (P.-H.A.)
A Grenay, «un coup de pied dans le système»
«Les gens disent que si elle passe, ce sera l'anarchie», déroule Michel, artisan plombier. «Je prends le risque. Il faut mettre un coup de pied dans le système». Lui a glissé dans l'urne un bulletin «Marine» aux deux tours, et vote pour elle «depuis qu'elle a pris la place de son père». Avant, il votait socialiste. Dans le bureau de vote 3 de Grenay (Pas-de-Calais), dans la «cité 11», du nom de l'ancien puits de mine, Marine Le Pen avait, au premier tour, cartonné à 60,4% contre 23,5% pour Jean-Luc Mélenchon. Sur l'ensemble de cette ville communiste depuis 1953, où plus des deux tiers de la population est non-imposable, on a voté au premier tour à 50,5% pour Marine Le Pen – encore plus fort qu'à Hénin-Beaumont qui se trouve à une quinzaine de kilomètres. Ici aux dernières élections municipales de 2014, le maire Christian Champiré (PCF) a été réélu avec plus de 60% des voix face à un candidat FN. Ce dimanche, un retraité de la chimie, qui a voté Mélenchon au premier tour, s'est résigné à faire barrage à la candidate du Front national. «Ça me fait mal au ventre. Je l'ai fait avec Chirac en 2002, avec Xavier Bertrand à la région en 2015. Mais là, c'est plus dur, parce que Macron, c'est un banquier. Vous pensez qu'il va faire beaucoup de choses pour les ouvriers, vous ?» (H.S.)
Hollande à Tulle «la boucle est bouclée»
La der des der. A sept jours de la fin de son mandat, François Hollande a déposé dimanche son ultime bulletin de vote de chef d'Etat à Tulle pour le second tour de l'élection présidentielle. «Chaque fois que je vote c'est une émotion, c'est toujours un pays, le mien, qui est en cause ou un territoire […] C'est important, significatif, lourd de conséquences, il faut toujours voter», a déclaré Hollande avant de voter dans la petite salle de l'université populaire. Au total, le Président est venu une trentaine de fois en Corrèze depuis son élection, pour de nombreux scrutins intermédiaires synonymes d'autant de claques électorales pour la gauche depuis 2012. Au premier tour, le 23 avril, Tulle a voté massivement pour Emmanuel Macron (30,8%), plaçant Jean-Luc Mélenchon en deuxième position (23,7%) devant François Fillon et Marine Le Pen. Candidat du Parti socialiste, dirigé par Hollande pendant onze ans, Benoît Hamon n'a recueilli que 9,1% des voix. Après plusieurs vagues bleu marine depuis cinq ans, le département de Corrèze a, lui, placé le Front national largement en tête du scrutin, avec 26,6% des suffrages. Assailli de questions à sa sortie sur son état d'esprit : «La boucle est bouclée, mais vous savez, c'est une chaîne, la vie. Il y a des maillons successifs. […] Mon successeur [au masculin, ndlr], avec sa propre vision, avec ses propositions, aura à continuer la marche [sic].»
Dimanche dernier, pour le premier tour, François Hollande s'était contenté d'un petit tour à Laguenne, une commune limitrophe de Tulle où il passe traditionnellement chaque dimanche d'élection depuis qu'il s'est implanté en Corrèze, en 1981. Cette fois, «on va faire un peu de tourisme électoral», a-t-il prévenu les journalistes, venus en tout petit nombre. Six heures sur place, cinq villes ou villages visités (après Laguenne, Chameyrat, Saint-Hilaire-Peyroux puis Saint-Mexant) et huit bureaux de vote inspectés pour ce scrutin marquant la fin de son bail présidentiel, après cinq mois de sursis à l'Elysée depuis son abdication républicaine en décembre. Avant sa journée marathon sous un soleil éclatant, l'avion de François Hollande avait atterri à Brive sous une pluie battante, dans une sorte d'hommage météorologique au quinquennat. Pour le maire de Tulle, successeur et ami de Hollande, «il fera meilleur au Touquet, dorénavant». Le fief d'Emmanuel Macron. (L. Br.)