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Libération
Reportage

Migrants évacués porte de la Chapelle : les riverains oscillent entre tristesse et résignation

Mardi matin, plus d’un millier de migrants ont été évacués du camp de la porte de la Chapelle, à Paris, et reconduits vers des centres d’accueil en Ile-de-France. Dans un café proche du campement, les voisins expriment leur désabusement.
Des CRS entourent un réfugié lors de l'évacuation du camp de la Chapelle, à Paris, mardi 9 mai 2017. (AFP)
publié le 9 mai 2017 à 19h21

Karim et Choukri sont arrivés tôt ce matin pour ouvrir leur café-brasserie «Le Parigo», situé à quelques mètres des campements de la porte de la Chapelle, dans le XVIIIe arrondissement de Paris. Il était six heures. Au même moment, sur le trottoir d'en face, un important dispositif de CRS et d'associations évacue entre 1300 et 1400 réfugiés. Derrière la vitre de leur commerce, les deux hommes ont suivi toute l'opération : l'arrivée des camions de gardes mobiles, le branle-bas de combat autour des tentes, les migrants qui rassemblent leurs affaires en vitesse et grimpent, en silence, dans les bus prévus par la mairie de Paris… Depuis des semaines, plusieurs centaines d'Afghans et de Soudanais avaient élu domicile sur ces campements, installés entre les voies de circulation de l'autoroute A1 et du périphérique, dans un interstice urbain aux frontières des communes de Paris, Saint-Denis et Aubervilliers. Outre les conditions sanitaires très dégradées, les pouvoirs publics pointent des tensions entre migrants Afghans et Soudanais, qui ont déjà donné lieu à une rixe brutale au mois d'avril dernier, pour justifier l'évacuation.

Au «Parigo», l'opération suscite les discussions. En deux mois, c'est déjà la deuxième. Le 9 mars dernier, pas moins de 200 migrants avaient déjà été évacués de la porte de La Chapelle et conduits vers des centres d'accueil. Il y avait eu des altercations entre CRS et migrants, mais cette fois, dit Choukri, «tout s'est passé dans le calme». 350 fonctionnaires de police et une centaine de membres d'associations ont été mobilisés pour cette nouvelle évacuation.

«Ils sont dans la misère»

Assise en face d'un expresso, Nicole, la soixantaine, tape du poing sur le comptoir. Ces campements illicites sont «une honte» pour les habitants du quartier, «qui subissent les conditions sanitaires déplorables des campements», explique cette habitante d'Aubervilliers. Derrière le comptoir, Karim partage ce point de vue. Pour le jeune serveur, les répercussions sur le commerce ne sont pas négligeables : «Toute la circulation a été fermée ce matin lors de l'évacuation. Résultat, plusieurs boutiques n'ont pas ouvert». Il dit aussi que «depuis l'installation de ces campements les clients dans (son) café ont fortement diminué».

La colère laisse place aux interrogations. On désigne des responsables. «Les migrants», dit Nicole. Choukri, de l'autre côté du bar, réplique immédiatement : «Ils ne sont pas responsables, parce qu'ils sont dans la misère». Le quartier de La Chapelle «subit davantage la délinquance due aux trafics de drogue que la présence des migrants». Nicole sonne alors la charge contre «les politiques», accusés de repousser la misère dans les quartiers pauvres. «Il n'y a pas de migrants dans des quartiers comme Neuilly».

Selon le ministère du Logement, les migrants évacués ont été répartis dans plusieurs centres d'accueil en Ile-de-France. Un examen de leur situation administrative est prévu. Les demandeurs d'asile seront ensuite conduits dans des Centres d'accueil et d'orientation (CAO). Mais au café «Le Parigo», tous ces habitants du quartier restent sceptiques. On leur a dit la même chose la dernière fois, en mars. Et puis, «les migrants se sont réinstallés», chuchote Karim.