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Retour sur

Un quinquennat à moitié vide

publié le 9 mai 2017 à 20h16

Recenser les manquements et les renoncements qui ont rythmé le quinquennat de François Hollande, c’est lister ce qui, au fil de son mandat, a nourri le décrochage de la gauche à son endroit.

Chômage Atteignant 3,51 millions de personnes sans aucune activité, le chômage a connu en mars sa plus forte hausse depuis quatre ans. Malgré le reflux amorcé en 2016, l'inversion de la courbe n'a jamais vraiment eu lieu. En cinq ans, 1,2 million de chômeurs sans activité ou en activité réduite ont grossi les listes de Pôle Emploi en métropole.

Loi travail Inversion de la hiérarchie des normes pour le temps de travail, référendum d'entreprise pour valider des accords minoritaires, redéfinition des motifs du licenciement économique… Pendant les cinq mois d'examen du texte, la loi El Khomri a mis le feu à gauche. Soutenue par la CFDT, elle a aussi fracturé le monde syndical.

Surveillance Confronté à une menace terroriste inédite, l'exécutif a répondu en multipliant les dispositifs d'exception. Outre l'arsenal antiterroriste (quatre nouveaux textes), le gouvernement a fait adopter la loi renseignement, officialisant l'entrée de la France dans l'ère de la surveillance de masse. Il reviendra à Macron de sortir, ou non, de l'état d'urgence, instauré au soir des attaques du 13 Novembre, et régulièrement prolongé.

Déchéance Cette mesure - déterrée après le choc du 13 Novembre et qui a entraîné le départ de la ministre Taubira - élargissait aux binationaux nés français la possibilité d'être déchus de leur nationalité. Après quatre mois d'atermoiements, Hollande y a renoncé.

Migrants 1 600 personnes évacuées : c'est le bilan de la dernière opération de démantèlement d'un campement de migrants du quinquennat. C'était mardi Porte de la Chapelle, dans le nord de Paris (lire page 21). Nouvelle illustration de la frilosité des pouvoirs publics sur le dossier migratoire depuis 2014. Certes, les moyens dévolus à l'accueil des demandeurs d'asile ont été renforcés, mais sans jamais donner l'impression d'une politique construite et anticipant les problèmes. De la «jungle» de Calais aux bidonvilles du Nord parisien, les images de milliers d'exilés survivant dans des conditions déplorables ne s'effaceront pas.

Prisons En 2012, le candidat Hollande avait fustigé «la fuite en avant vers le tout carcéral» pratiquée sous l'ère Sarkozy. Chef de l'Etat, il n'est pas parvenu à inverser la donne. A l'heure où il quitte l'Elysée, les prisons françaises n'ont jamais été aussi surpeuplées avec 69 430 détenus. La promesse de prisons «conformes à nos principes de dignité» est également loin d'être atteinte. Le 3 mai, la justice a de nouveau sommé l'administration pénitentiaire d'éradiquer les animaux et insectes nuisibles qui prospèrent à Fresnes…

Taux de pauvreté Malgré un plan de lutte contre la pauvreté annoncé fin 2012 (revalorisation du RSA de 10 % en cinq ans), le nombre de personnes vivant sous le seuil de pauvreté n'a pas régressé en France. En 2015 (dernière année connue), 14,3 % de la population vivait sous le seuil de pauvreté (environ 1 000 euros), soit un peu plus de 8,8 millions de personnes, le même chiffre qu'en 2012.

Récépissé C'était un engagement de campagne : lutter contre les contrôles au faciès. Très vite, l'idée de créer un récépissé que le policier remettrait à chaque personne contrôlée émerge. Enterrée par Manuel Valls, la mesure est remplacée par un autre dispositif : des caméras-piétons équipant des fonctionnaires en patrouille. Plusieurs expérimentations ont déjà été lancées. Pour le Défenseur des droits, le récépissé reste l'outil le plus efficace contre les contrôles abusifs et discriminatoires.

ZAD Depuis 2012, la «zone d'aménagement différée» est devenue «zone à défendre». Ces lieux de lutte et de résistance à plusieurs grands projets d'aménagement contestés ont fleuri sur le territoire. Contre l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes, contre le barrage de Sivens, contre le Center Parcs de Roybon… Autant de mobilisations citoyennes que le pouvoir a eu le plus grand mal à gérer. Dans le bocage nantais, le référendum en faveur de l'aéroport n'a pas convaincu les «zadistes» de quitter les lieux. A Sivens, la mort de Rémi Fraisse, tué par la grenade d'un gendarme, a scellé le sort du projet de barrage.

49.3 L'exécutif aura utilisé sur deux textes cet outil constitutionnel qui lui permet, à défaut de majorité pour l'adopter, de faire passer un projet de loi sans vote. Ce fut le cas en 2015 sur la loi Macron, puis en 2016 sur la loi travail au terme de cinq mois de protestations et une dizaine de journées de manifestation.

Écotaxe «Un échec stratégique, un abandon très coûteux, un gâchis.» La Cour des comptes a condamné l'enterrement fin 2014 de la taxe poids lourds face à la fronde des «bonnets rouges». Outre des milliards d'euros non perçus ou gaspillés, les dommages sont aussi industriels, écologiques et sanitaires…

Loi bancaire Fort de l'enseignement de la crise des subprimes, Hollande se proposait en 2012 d'instaurer une muraille entre banque de détail, dédiée aux particuliers, et banque d'investissement, où l'établissement joue pour son propre compte sur les marchés. Objectif : éviter que l'une ne contamine l'autre. Au final, la loi de juillet 2013 a été bien plus modeste : les activités les plus risquées sont désormais logées dans une filiale. Une cloison de papier.

«Loi Florange» En 2012, il avait promis de sauver Florange. L'année suivante, les hauts fourneaux de l'usine étaient arrêtés par Arcelor Mittal, mais, comme Hollande s'y était engagé, les 629 salariés n'ont pas été licenciés : 200 sont partis à la retraite et 400 se sont vu proposer des reclassements. Dans la foulée, la loi Florange fut votée en 2014 : elle oblige toute entreprise d'au moins 1 000 salariés à chercher un repreneur si elle «envisage la fermeture d'un établissement qui aurait pour conséquence un projet de licenciement collectif». Chercher mais pas forcément trouver : le Conseil constitutionnel a censuré les dispositions qui obligeaient l'employeur à accepter toute offre de reprise sérieuse et supprimé les sanctions financières qui visaient les entreprises ne montrant aucune ardeur à chercher une solution.