Menu
Libération
Tradition

Macron et Le Maire : deux anomalies politiques dans le monde selon Baroin

Lancé par Chirac, parrainé par Sarkozy, le nouvel homme fort de la droite, bousculé par le succès du renouveau, cultive une vision très classique de la carrière politique.
François Baroin au comité de campagne de la droite et du centre pour les élections législatives présente son contrat d'alternance au siège des Républicains en présence de Eric Woerth, Bernard Accoyer, Christian Jacob, Laurent Wauquiez, le 10 mai. (Photo Albert Facelly pour Libération)
publié le 10 mai 2017 à 18h10

Un inconnu de 39 ans à l'Elysée ? Un pur scandale pour François Baroin, bientôt 52 ans, nouvel homme fort d'une droite en plein doute. Fils spirituel de Jacques Chirac et exécuteur testamentaire de Nicolas Sarkozy, le sénateur-maire LR de Troyes professe depuis de nombreuses années déjà que la politique est affaire d'expérience et d'ancienneté. Comme à l'armée, il faut savoir attendre son heure. On ne devient pas général sans avoir été colonel. C'est pourquoi il ne cesse de se désoler de «l'immaturité» du président élu.

«Il faut trente ans pour faire un président de la République», répétait-il après la défaite de 2012, ajoutant qu'il était par conséquent inutile, pour 2017, d'aller chercher le champion de la droite en dehors du trio Sarkozy-Juppé-Fillon. Avec leurs vaines candidatures à la primaire, les Copé, Le Maire et autre NKM faisaient selon lui tragiquement fausse route. Son tour à lui, assurait-il, viendrait plutôt en 2022. Il aurait alors le bel âge, celui de la pleine maturité politique : 57 ans, dont une trentaine avec ses mandats de parlementaire et de maire.

«L’unité de la droite et du centre»

Depuis l'élimination de ses trois aînés, un ancien chef de l'Etat et deux ex-Premier ministres, le plus si jeune Baroin se trouve logiquement propulsé sur le devant de la scène. Normal : trois fois ministre et président de l'Association des maires de France, n'est-il pas l'un des plus capés de la droite ? En sa qualité de chef de file de la campagne législative, il se fait fort de donner à sa famille une majorité absolue à l'Assemblée nationale. Il serait alors en situation, en tant que Premier ministre, d'imposer la «vraie alternance» que Macron, «l'héritier de Hollande», serait incapable de conduire.

Mardi matin, Baroin célébrait «l'unité de la droite et du centre» à l'occasion de la présentation à la presse d'un projet de gouvernement rédigé en moins de quinze jours par Eric Woerth. Ce projet met en avant la défense du pouvoir d'achat et non plus la baisse de la dépense publique qui était pourtant la priorité absolue des deux finalistes de la primaire de la droite. Au siège du parti, Baroin était d'ailleurs exclusivement entouré de sarkozystes, les juppéistes et les fillonistes brillant par leur absence. De quoi relativiser «l'unité» affichée ce mardi.

Eternel jeune premier

Assez logiquement, la division de la droite se cristallise, depuis le 7 mai, autour de l'opposition entre François Baroin et Bruno Le Maire. D'un côté celui qui veut imposer un gouvernement LR-UDI au jeune Macron ; de l'autre, celui qui se propose de collaborer. Cet affrontement en rappelle un autre : en juillet 2011, les deux hommes s'étaient déjà violemment opposés pour décrocher le poste de ministre de l'Economie, laissé vacant par Christine Lagarde.

Sarkozy avait décidé de promouvoir son ministre de l'Agriculture, énarque polyglotte réputé pour son efficacité. Furieux, Baroin avait fait une scène à l'ancien chef de l'Etat : n'était-il pas le plus ancien dans le grade le plus élevé ? Alors ministre du Budget, député depuis 1993, il n'allait tout de même pas laisser «un novice», élu seulement depuis 2007, lui voler la politesse. L'éternel jeune premier de la droite avait alors obtenu gain de cause. L'honneur était sauf et la hiérarchie respectée. Il n'est pas certain qu'elle le restera dans le quinquennat qui vient.