Contrairement aux apparences, la question du prélèvement de l'impôt à la source est plus politique que technique. Ce dispositif, qui conduira à ce que l'impôt sur le revenu soit retranché chaque mois de la feuille de paie, au lieu d'un paiement séparé comme aujourd'hui, est dans sa dernière ligne droite. La loi a été votée, les décrets viennent d'être publiés, il doit être mis en place dès le 1er janvier 2018. Or dans le clan Macron, on semble peu pressé d'appliquer la réforme. Dans une interview, vendredi sur LCI, le porte-parole d'En marche, Benjamin Griveaux, a d'abord annoncé le lancement d'un audit : «On va regarder cet audit et, si l'expérimentation peut être lancée dans de bonnes conditions, elle sera lancée, et si ce n'est pas le cas, il y aura un report.» Une référence à l'expérimentation déjà prévue début juillet, sous forme de tests à blanc, afin de roder les systèmes d'échange d'informations entre les entreprises et l'administration fiscale.
Pourquoi alors une telle prudence ? Afin d'être sûr, explique Griveaux, qu'il n'y aura pas de «difficultés» pour les petites entreprises, voire pour certaines administrations, qui ne seraient «pas encore totalement prêtes». De quoi rendre furieux ceux qui se démènent depuis des mois pour mettre sur pied cet énorme chantier. Et en premier lieu le secrétaire d'Etat sortant au Budget, Christian Eckert, pour qui la vraie raison d'un éventuel report relève du marketing politique : éviter que cette réforme rende illisible la principale mesure sur le pouvoir d'achat du nouveau président. Macron a en effet prévu de baisser les cotisations sociales de l'ensemble des salariés. Ce qui représenterait, pour un salaire mensuel net de 2 200 euros, un gain de 40 euros par mois, selon le programme d'En marche. Or si le prélèvement à la source est appliqué au 1er janvier, en même temps que la mesure pouvoir d'achat, le contribuable aura bien du mal à s'apercevoir de cette dernière : au 1er janvier, son salaire sera de toute façon amputé de 180 euros au titre de l'impôt sur le revenu…
Mais pour Eckert, pas question de reporter sa réforme : «La loi a été adoptée, validée par le Conseil constitutionnel, et tout a été calé pour une mise en œuvre en janvier prochain, détaille-t-il à Libération. Or un ministre se doit d'appliquer la loi.» Un report serait d'autant plus mal vécu que les grands moyens ont été mobilisés : formation de milliers d'agents, adaptation des logiciels, campagne auprès du grand public, «pour une enveloppe de plusieurs dizaines de millions d'euros», selon un proche du dossier à Bercy.