Il n'y a plus de tapis rouge dans la cour de l'Elysée mais c'est tout comme. Pour le premier Conseil des ministres du quinquennat Macron, tout a été pensé dans les moindres détails. Du ballet des berlines arrivant au compte-gouttes juste avant 11 heures - avec grands cris des photographes façon Cannes pour attirer le regard des nouveaux ministres vers leurs objectifs - à la fermeture de la cour présidentielle à la fin de la réunion vers midi. Histoire, officiellement, de prendre en toute tranquillité la photo officielle du gouvernement, dans l'escalier Murat du vestibule, mais surtout d'épargner aux novices le passage devant les micros des journalistes à leur descente du perron. Ils sortent tranquillement, traversant la cour de graviers sous l'œil d'une caméra officielle pendant que la presse suit, dans la rue adjacente, le compte-rendu du nouveau porte-parole du gouvernement, Christophe Castaner. Signe que ce quinquennat s'ouvre sous le règne d'une communication ultra contrôlée (lire page 7). A l'arrivée des 22 membres du gouvernement, Emmanuel Macron s'est dit «très heureux» de les voir «tous là». «Ne changez pas, vous avez été choisis pour ce que vous êtes», leur a-t-il intimé à leur départ une heure plus tard. Rappelant ses priorités : «refonder les solidarités», politique européenne et responsabilité écologique.
Vedette de l'équipe gouvernementale, le ministre de la Transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot, est arrivé à l'Elysée en chemise blanche et flanqué de sa directrice de cabinet. A-t-il eu des garanties sur les grands dossiers écolos, comme Notre-Dame-des-Landes ou la politique nucléaire, qui devrait être au cœur de tout le quinquennat ? «Un ministre ne pose pas de conditions, il doit appliquer la feuille de route du président», réplique le porte-parole du gouvernement, dont le trac se faufile dans deux lapsus, quand il rappelle que les ministres sont les «despotes de l'alternance profonde» au lieu de «dépositaires» et cite un gouvernement composé de nombreux «parlementaires expérimentaux». La loi de transition énergétique, qui fait l'objet de toutes les attentions, sera donc appliquée mais elle sera soumise à un «calendrier responsable». Ce qui laisse pas mal de latitude.
Tours de vis. Avant les législatives de juin, la loi de moralisation publique sera, elle, présentée en Conseil des ministres, la réforme du droit du travail sera lancée, comme la réforme du renseignement et la simplification administrative, notamment l'introduction d'un «droit à l'erreur pour tous dans les démarches».
Dans le discours présidentiel, les tours de vis ressemblent à autant de pierres dans le jardin de François Hollande. Le quinquennat qui s’ouvre doit être l’anti-modèle du précédent, qu’Emmanuel Macron a vécu de l’intérieur au poste de secrétaire général adjoint de l’Elysée puis ministre de l’Economie.
«Loyauté». Dans la nouvelle pyramide du pouvoir, chacun doit rester à sa place. Macron, qui se revendique «jupitérien», dominateur et silencieux, fixera la stratégie, Edouard Philippe se chargera des arbitrages, les conseillers ministériels n'auront pas droit de cité à l'Elysée et les cabinets ministériels ne se substitueront pas aux administrations centrales. Dans les jours qui viennent, le Premier ministre publiera d'ailleurs une circulaire sur la «méthode de gouvernement». «L'efficacité implique la liberté intellectuelle mais surtout la discrétion et la loyauté», a-t-il insisté. De leur côté, les chefs d'administrations centrales, dont la nomination relève du Conseil des ministres, vont subir un «examen» pour être confirmés ou infirmés. Un «spoil system» à la Française annoncée de longue date par Macron. Une assurance que n'avaient pas prise les socialistes en 2012, se heurtant aux réticences de l'appareil d'Etat pour nombre de leurs réformes phares. «Est-ce qu'on a une tête à se lancer dans une chasse aux sorcières ?» tente de rassurer Castaner. La chasse aux couacs et aux frondeurs, elle, est bien ouverte.
Les conflits en vue
[ Notre-Dame-des-Landes: Nicolas Hulot vs. Jean-Yves Le Drian ]
[ Ceta: Emmanuel Macron vs. Nicolas Hulot ]
[ Transition énergétique: Nicolas Hulot vs. Edouard Philippe ]
[ CSG: Bruno Le Maire vs. Emmanuel Macron ]
[ Transparence: François Bayrou vs. Edouard Philippe ]
[ Bretagne ou Quai d'Orsay: Emmanuel Macron vs. Jean-Yves Le Drian ]
Photo Laurent Troude