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Libération

Tapie devra rendre l’argent (un peu)

publié le 18 mai 2017 à 19h46

Bernard Tapie est renvoyé dans les cordes. Il devra restituer les 404 millions d’euros de dommages et intérêts alloués en 2008 par un tribunal arbitral, décision annulée puis réformée par la justice ordinaire qui ne lui accorde désormais qu’un euro symbolique pour solde de tout compte. C’est ce qu’a définitivement validé jeudi la Cour de cassation.

Pour en arriver là, la plus haute juridiction française a refait le match qui dure depuis un quart de siècle. En cause, le rôle de la Société de banques occidentales, filiale du Crédit lyonnais, mandatée en 1992 par Tapie pour dénicher un repreneur d’Adidas. Elle a parfaitement rempli son rôle, dealant avec Robert Louis-Dreyfus, et a été rémunérée pour cela, ni plus ni moins. Mais d’autres entités de la banque, comme sa sœur Clinvest, banque d’investissement, ou sa maison-mère, la banque Crédit lyonnais, ont aussi participé au festin, engrangeant au fur et mesure une plus-value de 300 millions d’euros, soit autant que le chèque encaissé par le vendeur, Bernard Tapie.

Violation du mandat de vente, qui interdit au mandataire de se constituer contrepartie ? Non, atteste la Cour de cassation, statuant en matière civile et entérinant un peu plus ce fétichisme de l'autonomie d'une personne morale : au sein d'un grand groupe, la mère, la fille ou la cousine ont parfaitement le droit de monter un coup dans leur coin sans qu'on puisse leur reprocher l'ensemble de leur œuvre. Tapie n'avait «conclu un mandat de vente qu'avec la SDBO, qui n'est pas une société fictive», martèlent les hauts magistrats. Les contempteurs de l'homme d'affaires s'en réjouiront : Tapie n'a que ce qu'il mérite, l'euro symbolique - et encore, ce serait bien cher payé. Mais pas trop vite, car la cour valide au passage qu'une banque a le droit d'enfumer son client, blanchissant au civil certaines pratiques que la justice pénale pourrait qualifier de délictueuses.

Nonobstant, Bernard Tapie va devoir rendre l’argent - sur les 404 millions de la sentence arbitrale, il avait perçu 270 millions en net, après déductions de créances bancaires ou fiscales. Le bougre s’y résout, mais à sa manière, toute particulière.

Mediapart et le Canard enchaîné viennent de révéler son «plan de sauvegarde» présenté devant le tribunal de commerce, où il conserve des entrées. Il rembourserait sur sept ans, conservant à l'horizon 2024 (il aurait alors 81 ans) un reliquat de quelque 10 millions d'euros, plus ses parts dans le groupe de presse la Provence. Car pour ceux qui l'auraient oublié, Bernard Tapie n'a jamais cessé, depuis un quart de siècle, d'être en faillite personnelle.