Ça va mieux en le disant. Quelles étaient les probabilités pour qu'un des responsables de la rédaction d'un titre de gauche soit le frère du responsable de la communication d'un Premier ministre de droite ? Quasiment nulles. Sauf dans les films. Et encore. Et pourtant. Il se trouve que le conseiller à la communication du nouveau Premier ministre Edouard Philippe n'est autre que mon frère Charles Hufnagel.
Il est de droite, je suis de gauche. A nous deux, on pourrait dire que nous sommes représentatifs de la génération Macron. Et pourtant, il est clair que nous sommes dans deux camps irréconciliables : nous ne faisons pas le même métier. Lui fait de la communication politique, moi du journalisme, et le plus loin nous sommes l’un de l’autre d’un point de vue professionnel, le mieux tout le monde se porte. Et cela va continuer.
Durant nos parcours respectifs, nous avons toujours veillé à ériger un mur entre nous. Un double mur pour être exact. Pas d’interférence, pas de discussions, pas d’informations, pas de conseils. Ça évite les engueulades. Et les tentations, de part et d’autre. Tous les journalistes avec qui j’ai travaillé, et qui ont suivi les différents dossiers dont mon frère était jusqu’à présent responsable, dans les entreprises comme dans les ministères où il a exercé, pourront en témoigner. Je n’ai jamais eu la moindre information à leur donner. Pour la simple et bonne raison que je n’en avais reçu pas la moindre miette.
Bien sûr, les choses sont compliquées. En tant que citoyen et journaliste, j’étais opposé à la politique que mon propre frère était chargé de défendre dans les médias, à l’occasion de la primaire de la droite. En novembre, je me suis sans doute réjoui d’être débarrassé de ce conflit de loyauté (Charles, si tu me lis, pardon). Mais c’est à croire que les juppéistes sont un peu comme le sparadrap sur le nez du capitaine Haddock…
Bien sûr, vous n'êtes pas obligés de me croire. Mais la lecture des archives devrait vous renseigner sur la réalité. Pour ceux qui auraient encore des doutes, (sans parler de ceux qui ne seront jamais convaincus), je rappelle que la rédaction de Libération est totalement libre. De même, les actionnaires n'interviennent jamais dans la ligne éditoriale, n'en déplaise aux paranoïaques et aux complotistes. A Libération, nous sommes collectivement responsables de la «ligne» éditoriale, le débat y est vif, et ce n'est pas près de changer. Maintenant, vous voilà prévenus : «On ne choisit pas sa famille» et «Lui, c'est lui, et moi, c'est moi». Ça va mieux en le disant.
Le communiqué de la Société des journalistes et personnels de «Libération»
La Société des journalistes et personnels de Libération (SJPL) a pris acte de la nomination, au poste de directeur de la communication du Premier ministre, de Charles Hufnagel, frère de Johan Hufnagel, directeur en charge des éditions du journal. Ce lien de parenté entre un responsable de Matignon et un membre de la direction de Libération peut soulever des questions légitimes. Jamais par le passé la SJPL n'a constaté d'interférence entre les fonctions publiques ou privées exercées par Charles Hufnagel (responsable de la communication d'Areva, d'Alain Juppé, puis de Saint-Gobain) et nos choix éditoriaux. Johan Hufnagel a assuré à la rédaction que cette étanchéité professionnelle prévalant entre les activités de son frère et les siennes serait maintenue. La SJPL lui exprime sa pleine confiance à ce titre. Elle restera cependant particulièrement vigilante, conformément à sa mission, quant à l'indépendance de la rédaction vis-à-vis de toutes pressions extérieures, d'où qu'elles viennent.