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Législatives

«En colère», les militants PS d'Indre-et-Loire demandent l'exclusion de Marisol Touraine

Après avoir été investie par le parti, l'ex-ministre de la Santé fait campagne sous la bannière La République en marche, s'attirant les foudres de la fédération locale.
L'affiche de campagne de Marisol Touraine, sans le logo PS, avec la bannière LREM. (DR)
publié le 23 mai 2017 à 16h37

«Les Français méritent des engagements clairs et fermes.» Cette maxime dont Marisol Touraine a fait sienne fait grincer des dents dans la troisième circonscription de l'Indre-et-Loire, où elle est candidate à la députation. Après avoir été investie par les militants socialistes, l'ex-ministre de la Santé vient de passer avec armes et bagages sous la houlette de la «majorité présidentielle avec Emmanuel Macron». Avec l'heureux bénéfice de n'avoir, face à elle, aucun candidat macroniste, comme c'est le cas dans une cinquantaine d'endroits en France. «Je suis très en colère !» peste Ouassila Soum, militante socialiste de Saint-Pierre-des-Corps, une des communes de la troisième circonscription. Nous avons investi une candidate qui, le soir de la clôture du dépôt de candidatures, nous apprend qu'elle est macroniste.»

Appel assez clair à soutenir LFI ou EE-LV

En réaction, Ouassila Soum a aussitôt signé la lettre-pétition initiée par des cadres et militants locaux appelant «les électrices et les électeurs […] à porter leurs votes dès le 11 juin prochain sur les candidats fidèles aux valeurs de la gauche et de l'écologie». Un appel assez clair à soutenir les candidats de La France Insoumise ou d'Europe Ecologie-les Verts qui est parfaitement assumé par Jacky Paris, l'un des initiateurs de cette fronde. «Même en étant à la gauche du parti (socialiste), j'ai toujours fait campagne pour Marisol Touraine, assure ce militant, qui a adhéré au PS pour la première fois en 1974. Elle a d'ailleurs réussi, en 1997, à sortir le député de droite avec talent et à se faire réélire en 2007 dans un contexte politique difficile.»

Au lendemain de la dernière primaire socialiste, Jacky Paris avait déjà rédigé une lettre ouverte alertant ses camarades sur le fait que Marisol Touraine refusait de faire campagne pour Benoît Hamon, candidat officiellement sorti des urnes. «Après cela, elle a négocié avec En marche pour que le mouvement ne présente aucun candidat face à elle. Puis, dimanche dernier, elle a tout changé sur son blog de campagne, supprimant la rose et adoptant les couleurs macronistes», dénonce-t-il. L'homme se dit néanmoins peu surpris : «Touraine a basculé et n'a aucune chance de revenir au PS. Cette mésaventure aura au moins permis à certains socialistes d'ouvrir les yeux. Et pourrait permettre, paradoxalement, une clarification des positionnements de chacun.»

«Sentiment de dégoût»

Emilie Delcher, militante tourangelle, ressent clairement «de l'amertume». Tout comme Jacky Paris, elle avait vu venir la rupture opérée par l'ancienne ministre, mais n'en demeure pas moins dépitée. «Elle a utilisé les couleurs du PS pour faire campagne, a bénéficié du soutien des militants depuis le début. Là, je ressens un sentiment de dégoût.»

Du côté de La République en marche (LREM), le sentiment est confus. Si, en off, les militants avouent leur trouble et le regret que la direction nationale n'ait investi aucun candidat face à Touraine, officiellement, ils préfèrent «ne pas prendre position pour l'instant». Sauf en off, donc. «Nous n'avons rien contre cette personne, mais c'est la manière de faire qui est discutable», confie l'une d'elles. «On aurait aimé participer aux discussions avec le national quant à la pertinence de présenter un candidat sur cette circonscription», regrette un autre.

«Je n’ai pas envie d’instabilité ou de désordre»

Contactée par Libération, Marisol Touraine se défend de toute forme de dissidence. «Je suis, je demeure socialiste, et je ne renonce pas à mon histoire, ni à mon identité politique», affirme-t-elle, un brin agacée par ce qu'elle considère comme des manœuvres émanant de «frondeurs frappés du sceau de la déloyauté face aux gouvernements» Valls et Hollande. «Je n'ai pas envie d'instabilité ou de désordre, et je fais clairement campagne pour qu'il y ait un maximum d'hommes et de femmes de gauche inscrits dans la majorité présidentielle. Et si on ne travaillait pas à sa réussite, je ne sais pas ce qu'il y aurait au bout…»

Ces considérations ne semblent pas émouvoir la direction fédérale du PS, qui vient d'adresser une demande d'exclusion aux instances nationales. «Le PS n'a jamais été un parti uniforme, mais toujours bercé dans une culture du débat et de la confrontation, juge Alain Dayan, cadre du parti et ancien élu tourangeau. Là, elle joue avec les règles collectives pour les enfreindre.»

«Tactique opportuniste»

La fédération d'Indre-et-Loire regroupe de nombreux militants et élus proches de l'aile gauche du PS. De fait, l'absence totale de soutien de Marisol Touraine à la campagne de Benoît Hamon a laissé des traces. Quant à son adhésion revendiquée à la majorité présidentielle, elle semble avoir scellé son sort. «Elle nous dit clairement qu'elle va apporter sa confiance à un gouvernement de droite. Comment voulez-vous qu'on le prenne autrement ? tranche Ouassila Soum. Touraine se situe dans une tactique opportuniste visant exclusivement à assurer sa réélection !» Réponse partielle le 11 juin.