Le bout du tunnel judiciaire pour les victimes du Mediator ? On en est encore loin, mais la perspective d’un procès dans l’affaire du Mediator ne recule plus. Le parquet général a demandé officiellement un procès, et cela juste après que la cour d’appel de Paris a rejeté ce mercredi les derniers recours déposés par les laboratoires Servier qui avaient notamment demandé l’annulation de leur mise en examen pour «escroquerie» et «tromperie aggravée» dans le scandale du Mediator.
C’est un pas, juste un pas. Ce procès tant attendu peut traîner encore un certain temps. Ce mercredi, l’avocat du laboratoire Servier a, ainsi, immédiatement annoncé après la décision de la cour d’appel que le groupe pharmaceutique allait former un pourvoi en cassation, qui n’est toutefois pas suspensif et n’empêcherait pas le parquet de Paris de prendre ses réquisitions.
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«Le procès va avoir lieu», a néanmoins réagi Charles Joseph-Oudin, avocat de parties civiles, rappelant que «la première plainte a été déposée en décembre 2010 par une victime aujourd'hui décédée des suites de sa valvulopathie imputable au Mediator».
Bras de fer
Consommé pendant plus de trente ans par cinq millions de personnes en France, l’antidiabétique largement détourné comme coupe-faim a été retiré du marché en novembre 2009. Il pourrait être responsable à long terme de plusieurs centaines de décès.
Depuis que l'affaire a éclaté au grand jour – il y a donc plus de sept ans –, le laboratoire se défend férocement. En toute légalité, il multiplie les mesures de blocage. Outre l'annulation de sa mise en examen, Servier avait demandé, lors de l'audience du 24 mai devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, qu'une clé USB, en partie illisible et qui selon lui contient plusieurs milliers de documents liés au Mediator, soit expertisée. Le parquet général avait requis le rejet des requêtes, relevant que le groupe avait pendant de nombreuses années «dissimulé le caractère anorexigène du médicament» et n'avait «pas signalé les risques d'hypertension artérielle pulmonaire», et «de graves lésions des valves cardiaques» (valvulopathies) imputables au médicament.
Nullités d'actes d'enquête, de mises en examen, demandes d'auditions : les avocats de Servier se livrent ainsi à un bras de fer avec la justice, attitude à ce point systématique qu'elle a été qualifiée de «manifestement dilatoire» par les juges d'instruction parisiens qui enquêtent depuis février 2011. Sur six ans d'instruction, «trois ont été exclusivement consacrés à la procédure à la suite de multiples demandes et recours faits par la défense des mis en cause», a même déploré en janvier dernier le procureur de la République de Paris, François Molins.
Nombreuses mises en examen
Dans cette information judiciaire pour «tromperie, escroquerie, prise illégale d’intérêt» ou encore «trafic d’influence», 26 personnes sont aujourd’hui mises en examen : des sociétés de la galaxie Servier, des dirigeants du groupe, des fonctionnaires, des médecins ou encore une ex-sénatrice, soupçonnée d’avoir été en lien avec la société.
Une seconde information judiciaire pour «homicides et blessures involontaires» est toujours en cours. Dans ce volet, les laboratoires sont mis en examen, ainsi que l’agence du médicament (ANSM), soupçonnée d’avoir négligé les alertes sur la dangerosité du produit de 1995 à 2009.
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Après la décision de la cour d’appel, le parquet est sorti de son silence. Il a annoncé avoir requis un renvoi du groupe pharmaceutique pour «tromperie aggravée, escroquerie, blessures et homicides involontaires et trafic d’influence». Il demande aussi un procès pour l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) pour «blessures et homicides involontaires». Au total, le ministère public requiert désormais le renvoi en correctionnelle de onze personnes morales et quatorze personnes physiques.