Depuis l'attentat de Manchester, la presse britannique salue tous ceux qui sont venus en aide aux rescapés caractérisés par leur très jeune âge. Parmi ces héros, on peut citer Steven Jones, un sans-abri de 35 ans qui se trouvait à proximité de la salle Arena au moment de la déflagration. Après avoir compris la gravité de la situation, le trentenaire a prodigué les premiers soins aux victimes en attendant les secours. «Nous avons dû retirer des clous et des morceaux de verre de leurs bras et de leurs visages», raconte-t-il.
«Peu vont agir»
Comme lui, ils sont quelques-uns à s’être distingués par leurs actes de bravoure lors des attentats ou tentatives qui ont touché l'Europe récemment en combattant les assaillants ou en venant en aide aux victimes. On se souvient de Ludovic Boumbas, 40 ans, assassiné au bar La Belle Equipe après s’être rué sur les tireurs pour sauver la vie d’une jeune fille. Mais aussi de ce cycliste qui avait tenté d’ouvrir la porte du camion lancé à pleine vitesse sur la promenade des Anglais à Nice. Et puis, à Paris, Nice ou Manchester, il y a tous ces inconnus qui ont ouvert leurs portes, prodigué les premiers soins aux victimes.
Des héros ? En général, ils réfutent le terme, expliquant avoir agi «naturellement», comme guidés par un instinct primaire. Celui de secourir son prochain. Pourquoi certaines personnes adoptent des comportements «héroïques» ? En sommes nous tous capables ? Comme l'explique Boris Charpentier, psychologue dans une interview donnée à Madame Figaro, «l'acte héroïque est tout à fait exceptionnel». «Dans un tel moment, les réactions émotionnelles et comportementales peuvent être très différentes. Certains vont fuir, la majorité des gens sera dans la stupeur émotive, sidérée. Peu vont agir», précise le psychologue.
Un état de «stress adapté»
Les personnes capables d'agir ont développé ce que l'on appelle dans le jardon médical, un «état de stress adapté». Dans ce cas, elles sont capables de mobiliser leurs ressources physiques et psychiques pour affronter la situation. Même si, selon le psychanalyste Frédéric Vincent, «on a tous un héros qui sommeille en nous», il semble que les individus ayant déjà dû faire face à un danger sont plus enclins à le réveiller. «Plus des personnes ont engrangé de l'expérience, plus elles sont prêtes à faire face à ce type de situations. Il n'y a pas de phase de réflexion. Bien souvent, les personnes qui ont manifesté un comportement héroïque ont eu des expériences similaires au préalable (militaires, secouristes, urgentistes, etc.), constate Frédéric Vincent. A l'inverse, certaines personnes sont préparées sans s'en rendre compte. Parce qu'elles ont pratiqué des arts martiaux, été scouts ou fait des stages de secourisme par exemple.»
On se souvient notamment des trois passagers américains ayant maîtrisé l'assaillant du Thalys alors qu'il s'apprêtait à commettre un carnage. Deux d'entre eux étaient militaires. Les vigiles du Bataclan avaient aussi su garder leur sang-froid pour venir en aide aux victimes. Une fois leur acte accompli, difficile d'en sortir indemne pour tous ces héros ordinaires. Au même titre que les victimes, «certains présenteront un état de stress post-traumatique», selon le psychologue Boris Charpentier.
Un état que constate également le psychanalyste Frédéric Vincent lors de ses consultations. Pour lui, nul doute n'est possible : «Notre société occidentale n'est pas préparée à vivre de pareils événements. La culture primaire, autrement dit les institutions et la famille, ne transmet pas le savoir héroïque. En France, ce savoir n'est plus transmis depuis la fin du service militaire [en 1997, ndlr], qui avait une fonction initiatique et pédagogique importante. C'est regrettable car dans notre société nous ne sommes pas prêts à faire face à des situations telles que des attentats», déplore le psychanalyste.