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Libération
EDITORIAL

Protéger

publié le 31 mai 2017 à 20h26

L'Europe, pour Donald Trump, serait-elle un «covfefe», selon l'étrange vocable qui termine un des derniers tweets du président à la mèche blonde et qui a plongé les réseaux sociaux dans un abîme de perplexité ? Un «covfefe», c'est-à-dire un objet non identifié, indistinct, incertain, voire inexistant. La dernière tournée du chef d'Etat américain a montré le peu de cas qu'il faisait de l'Union européenne, de l'Alliance atlantique et peut-être de l'accord sur le climat conclu l'année dernière par son prédécesseur. D'un mal peut sortir un bien : traitée par-dessus la jambe, l'Europe est mise au défi… de retrousser ses manches. Ramenée à presque rien par Trump, elle peut se rebiffer pour devenir quelque chose. La Commission de Bruxelles, Emmanuel Macron et Angela Merkel en sont d'accord et, pour une fois, les bonnes paroles pourraient déboucher sur quelques actes. Europe bancaire, budgétaire, militaire, migratoire : les projets sont sur la table, il n'y manque que la volonté politique, qu'on commence à afficher. Mais rien ne sera vraiment efficace sans qu'on remplisse une condition décisive. Le déclin de l'Union dans l'opinion du continent ne tient pas seulement à son impotence politique ou diplomatique. Elle dérive de son incapacité à protéger ses citoyens des duretés cruelles de la mondialisation. C'est ce fait d'évidence qui doit maintenant guider les décideurs européens dans leur volonté de relancer la construction commune. Et il n'y a pas d'autre terrain tangible que les questions sociales pour y parvenir. Plutôt que de s'échiner à assurer la libre circulation de l'argent et des marchandises, objectif déjà atteint, l'Europe doit montrer aux travailleurs qu'elle peut les protéger, qu'elle peut atténuer par une politique volontaire les épreuves imposées aux classes populaires. Sans cela, nous serons immanquablement ramenés au «covfefe».