On avait quitté Mustapha Adib alors qu'il s'apprêtait à entamer sa troisième semaine de grève de la faim, installé dans sa voiture à quelques encablures du palais de l'Elysée. La seule revendication de cet ancien capitaine de l'armée royale marocaine : le droit de manifester devant le château de Betz (Oise), propriété du roi Mohammed VI et symbole de la contestation des opposants marocains en France. On l'a retrouvé ce vendredi, en début d'après midi, pour son trente-quatrième jour de jeûne. Mais cette fois à la sortie du palais de justice de Paris, le pas alourdi et les traits tirés par la fatigue.
La veille, au petit matin, il a été expulsé de son véhicule et placé en garde à vue au commissariat du VIIIe arrondissement. La scène de son interpellation a été retransmise en direct sur Facebook Live. On y voit plusieurs policiers armés lui demander de sortir, avant qu'un serrurier ne fracture la porte de son véhicule pour le forcer à descendre. Le motif de cette expulsion brutale ? Un obscur article du code de la route, qui interdit de rester stationné plus d'une semaine au même endroit et de faire obstacle à un ordre d'envoi en fourrière. «C'est comme au Maroc, s'offusque Adib. On n'arrête pas les militants pour avoir dénoncé le régime, mais pour des délits de droit commun qui permettent de les mettre hors d'état de nuire.»
Quinze kilos perdus et trente heures de détention
Depuis qu'il a entamé sa grève de la faim, le 7 mai, l'opposant a déjà perdu une quinzaine de kilos. Lors de l'examen médical obligatoire, effectué une heure après son interpellation, il a vomi une bile verdâtre. Conclusion du toubib chargé de l'ausculter : son état de santé apparaît «non compatible avec la garde à vue dans les locaux de police». Il y restera pourtant près de dix heures supplémentaires, avant d'être transféré au dépôt du Palais de justice pour y être déferré. Après trente heures de détention, Adib a finalement écopé d'un simple rappel à la loi. «C'est aux préfets qui refusent d'appliquer des décisions de justice qu'il faudrait faire un rappel à la loi», s'insurge le militant, en référence à une décision du tribunal administratif d'Amiens l'autorisant à manifester devant le château de Betz, en dépit des arrêtés préfectoraux successifs. L'homme est pourtant loin d'avoir dit son dernier mot. Bien décidé à obtenir une réponse d'Emmanuel Macron, «seul garant du respect de la loi», il compte récupérer sa voiture au plus vite à la fourrière et retourner se garer près de l'Elysée pour y poursuivre sa grève de la faim. «Il n'y a pas de plan B, assure-t-il. J'irai jusqu'au bout.»