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Libération

Un FN mariniste et un échec «patriote»

L’élection de Marine Le Pen lui redonne un peu de sa légitimité perdue. Mais le courant de Florian Philippot a été largement défait, et les tensions persistent.
publié le 19 juin 2017 à 20h46

Travestir en succès les demi-victoires ou les franches défaites : le Front national est passé maître dans cet art difficile. Il l'a démontré dimanche, en se félicitant de l'élection de huit des siens à l'Assemblée, un résultat pourtant très inférieur à ses premières ambitions. Celui-ci aura au moins une vertu pour Marine Le Pen : il sécurise sa position en interne, et la confirme comme seul arbitre des querelles à venir. La nouvelle députée a d'ailleurs annoncé lundi la tenue d'un séminaire, cet été, pour réfléchir à «ce qui a marché et ce qui a moins bien marché».

En devenant députée, et la mieux élue du parti, Marine Le Pen a récupéré un peu du crédit perdu lors de son débat d'entre-deux-tours contre Emmanuel Macron. Surtout, la présidente du Front national est accompagnée presque exclusivement de fidèles - notamment son compagnon Louis Aliot ou son conseiller Bruno Bilde. La plupart sont élus dans le bassin minier du Nord-Pas-de-Calais, un terrain que Marine Le Pen cultive de longue date (lire page 9). De quoi offrir un second souffle au marinisme, précisément au moment où celui-ci semblait toucher ses premières limites. A l'inverse, deux «familles» frontistes se voient mises en échec. Le clan Philippot, d'abord, dont tous les représentants ont été battus au second tour, voire au premier. Alors qu'il siégeait jusqu'à présent près de Marine Le Pen au Parlement européen, la démission de celle-ci privera Florian Philippot de cet accès à la présidente du FN. Celle-ci siégera désormais avec certains de ses adversaires, comme le député Gilbert Collard. Très remonté dimanche soir, ce dernier a appelé à se «poser des questions». Cet échec rejaillit aussi sur les «Patriotes», association récemment lancée par Philippot pour peser sur la refondation du FN, et qui avait agacé nombre de frontistes. «FN : 8 élus. Patriotes : 0», a nargué lundi sur Twitter l'eurodéputé FN Gilles Lebreton.

Autre perdant : le «FN du Sud». Sur les huit élus de dimanche, cinq sont issus du bassin minier des Hauts-de-France, et trois seulement du Midi - plus précisément de l'ancienne région Languedoc-Roussillon. De ces trois, seul Louis Aliot est membre du FN : ce n'est pas le cas de Gilbert Collard, membre seulement du Rassemblement bleu Marine ou d'Emmanuelle Ménard (Hérault), soutenue par le FN sans en avoir la carte. De quoi légitimer la ligne «ni droite ni gauche» de Marine Le Pen, réputée avoir permis ces progrès dans d'anciennes terres de gauche. Mais de quoi, aussi, frustrer des sudistes désormais privés de la locomotive Marion Maréchal-Le Pen, et dont beaucoup voient dans un ancrage à droite la clé de futures victoires. «Il y a des gens autour de Marine qui lui font croire que toute la France, c'est Hénin-Beaumont, se plaignait il y a quelques mois un cadre frontiste. C'est une grave erreur !»