Le rituel a eu lieu durant des années. Tous les samedis, à l'heure du déjeuner, trois générations se retrouvaient place Vauban, dans le VIIe arrondissement de Paris, autour de Simone et Antoine Veil, décédé en avril 2013. Leurs enfants et leurs petits-enfants prenaient place autour de la table familiale, à laquelle était parfois conviée une personnalité, comme l'ancien Premier ministre israélien Shimon Peres. Les Veil, c'était une famille soudée autour d'un couple qui s'est formé en 1946, après s'être rencontré à Sciences-Po. Cette année-là, Simone épouse Antoine. Ce dernier intègre l'ENA en 1953 et a, lui aussi, mené une carrière d'élu, comme conseiller de Paris et conseiller régional d'Ile-de-France. Désireux de ne pas jouer les «Poulidor de la politique», il bifurque cependant assez rapidement vers le monde de l'entreprise, dans lequel il s'est fait un nom, avec une prédilection pour les transports et le tourisme. On le retrouve à la tête du transporteur aérien UTA (racheté ensuite par Air France) puis de la Compagnie des Wagons-Lits avant de diriger Saga, société de transport ferroviaire et de logistique. Présent dans plusieurs conseils d'administration, il siège notamment dans celui du groupe de pub Havas.
Les enfants du couple vont également évoluer aux confins de la vie politique et économique. Les deux aînés, Jean et Pierre-François, sont avocats, associés au sein du même cabinet, Veil et Jourde. Ils n’ont toutefois pas toujours travaillé ensemble. Jean, pénaliste, en a été le créateur en 1990 et a souvent été en première ligne sur de gros dossiers à fort retentissement médiatique. Il est successivement le défenseur du Crédit lyonnais au moment de sa déconfiture en 1993 et de la Société générale dans l’affaire Kerviel. Il plaide également pour Dominique Strauss-Kahn après sa mise en cause dans l’affaire de la Mnef et pour Jérôme Cahuzac, poursuivi et condamné pour fraude fiscale.
Son frère, Pierre-François, est moins médiatique. Doté d'un «solide sens de l'humour» selon une de ses consœurs, l'ancien secrétaire de la Conférence du stage - qui distingue les espoirs du barreau - intervient surtout en droit des affaires. Hors des murs du cabinet, le cadet de la famille Veil poursuit le travail de mémoire de sa mère. Il préside le comité français de la fondation Yad Vashem, du nom du musée de Jérusalem dédié au génocide et construit sur la colline du souvenir en 1953. Un engagement dans la droite ligne de celui de sa mère, présidente d'honneur de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah.